Je ne sais pas vous, mais parfois j’ai besoin d’aller vérifier par moi – même. Cela faisait tellement longtemps qu’était annoncée la sortie de ce film avec sa profusion d’images de tournages, teasers, visuels, affiches en touts genres (notamment celle – ci, une de mes préférées),
et autres battage médiatique autour de la participation d’actrices made in Disney (Vanessa Hudgens et Selena Gomez, en bikini, buvant de l’alcool et fumant des pétards s’il vous plaît !!!! Vraiment, on ne respecte plus rien ma brave dame !!), que j’avais pratiquement l’impression d’avoir vu le film avant d’avoir vraiment vu le film.
Cette impression, c’était bien évidemment sans compter sur celui derrière la caméra, Harmony Korine. Icône du cinéma indépendant américain (avant que cette appellation ne devienne un gros mot), scénariste (de Kids et Ken Park, réalisés par le nom moins anticonformiste Larry Clark), réalisateur (Gummo ou Julien Donkey Boy) mais aussi parolier (pour Björk, quand il a 2 minutes), cascadeur et catcheur (mais je m’égare), alternatif et étrange, ce garçon aime par – dessus tout mettre en scène la vie de ceux en dehors des marges, tout en prenant son temps (à peine 5 long métrages en 18 ans de carrière, le naze).
Sa dernière réalisation s’inscrit dans le cadre du Spring Break. Petite parenthèse explicative : pour beaucoup d’étudiants américains terrassés par de pénibles études, le Spring Break (les vacances de Printemps quoi) est une institution, synonyme de départ en masse vers des destinations ensoleillées (telle Cancun ou la Floride) où ils vont pouvoir mettre à profit leurs connaissances en matière de fêtes. Enfin quand je parle de fêtes, je devrais plutôt parler de noubas orgiaques : bière qui coule par hectolitres, filles en maillots de bain microscopiques, hôtels mis à sac, drogue ingéré par tous les orifices possibles, interpellations par les forces de police pour les moins chanceux d’entre eux …
Comme bien de leurs compagnons étudiants, Faith, Cotty, Britt et Candy ont pour objectif de partir elles aussi aux prochaines vacances de Printemps afin d’égayer un quotidien un tantinet tristoune. Comme économiser toute une année pour se payer le voyage est activité bonne pour les tocards, elles préfèrent braquer un restaurant pour réunir la somme. Munies de leur pécule, elles peuvent enfin rejoindre la Floride et la biture de l’année.
Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes, les serviettes (de plage) tournoient allègrement au – dessus des têtes, nos 4 filles se baladent à scooter à travers la ville, croisent plein de gens fort intéressants, vont à la plage, passent leur vie en tenue légère, wouhou c’est la joie.
Les fêtes s’enchaînent à un rythme effréné, avec leur lot d’abus et de vagues remises en question sur le sens de la vie. Au cours de l’une d’entre elles, les quatre copines se font embarquer par la police.
Jugées, elles doivent pour sortir de prison, payer une caution. Se pointe alors Alien, dealer tout en introspection venu libérer deux de ses collègues, et avec qui elles vont partir vers des nouvelles et bien plus trashs aventures.
Dès l’introduction, les bases sont posées : longs plans en slow motion de fêtes sur la plage, filles topless arrosées de bière par des garçons concupiscents, concours idiots et poses plus ou moins suggestives, le tout saupoudré de gros poum poum … Vous l’aurez compris, le Spring Break, ce n’est pas vraiment la réunion mensuelle du Rotary Club.
Et c’est pourtant bien dans cet univers qu’Harmony Korine pose son histoire, en ayant l’intelligence de s’enfoncer un peu plus loin que cette apparente superficialité .
Il retranscrit parfaitement l’ambiance de réjouissance permanente, saturée de musique (avec une bande – son qui tabasse) et débauche de couleurs, en utilisant judicieusement néons et teintes fluos, jusque dans la typographie du générique.
Malgré cette profusion de couleurs qui donne un peu envie de vomir, une noirceur bien autre apparaît dès que l’on gratte un peu la surface de ce monde clinquant où tout n’est qu’excès. Korine dépeint alors le désespoir de ceux qui pratiquent la beuverie avec une si grande application.
Le film s’appuie également sur un montage pas toujours linéaire (idéal pour tromper le spectateur sur les intentions réelles des protagonistes et la marche de l’histoire) et une réalisation inventive (cet homme possède un sacré sens du cadrage).
Il pratique aussi de façon pertinente le décalage (plutôt rigolo par moment),
ou carrément surréaliste à d’autre (comme quand Alien entame Everytime de Britney Spears au piano pendant que ses comparses ébauchent une petite chorégraphie autour de lui, une scène d’anthologie !).
Harmony Kornine s’avère tout autant décalé que particulièrement futé, notamment dans le choix de ses actrices (estampillées Disney donc), mises en situation à des milles de ce qu’elles ont l’habitude de jouer. On en viendrait presque à avoir de l’affection pour Vanessa Hudgens et son unique expression faciale – moue – sexy – bitch, drôlement bien étudiée.
Dans le rôle du gangsta rap blanc, James Franco tire bien plus son aiguille du jeu, avec un personnage totalement délirant mais bizarrement crédible (et ceci malgré un appareillage dentaire digne d’un JoeyStarr à la bonne époque).
Alors si comme moi, la grisaille de cet hiver qui n’en finit pas commence à vous taper durablement sur le système, n’hésitez pas à aller vous offrir la cure de shorts fluos que votre organisme vous réclame.
En vous remerciant.
L’info people mais intéressante quand même : A part être sorti longtemps avec Chloë Sevigny (autre référence du cinéma underground US) et avoir fait tourné son actuelle compagne (Rachel Korine) dans Spring Breakers, Harmony Korine est indirectement à l’origine du film Elephant de Gus Van Sant. En effet, celui – ci lui demanda quel film l’avait le plus marqué dans sa vie, Harmony Korine évoqua Elephant, un téléfilm du cinéaste Alan Clarke. Gus Van Sant s’en est inspiré pour concevoir la mise en scène de sa propre œuvre qui garda le même titre (bien que l’histoire et le contexte soient différents).
Et si vous souhaitez vraiment parfaire vos connaissances en matière de Spring Break (et que vous êtes particulièrement kamikaze), il existe aussi ce documentaire.
J’ose pourtant espérer que votre bon sens saura vous préserver d’une telle (més)aventure …