L’ami René-Guy Cadou, dont les mots faisaient sourdre et chanter les fontaines et le vent, disait que « la poésie n’est pas plus utile que la pluie, mais pas moins ». En ces temps de sécheresse des esprits il faut savoir gré à la Cave-Poésie René Gouzenne de maintenir la lampe des mots allumée et de nous irriguer.
Ainsi du 17 septembre au dimanche 23 septembre ces animateurs éclairés, Bruno Ruiz, Philippe Berthaut, Serge Pey, nous proposent des clairières de mots profonds pour aller vers la poésie, donc plus profond en nous. Pour eux cela signifie: « C’est-à-dire, chanter, traduire, proférer, scander, slamer, jouer, incarner, murmurer, mettre en musique, en souffle, en scène, en jeux, en spectacles, en récitals, en performances, en chansons, sous forme de livre, d’images, de blogs, de sites, en représentations diverses, pour des approches différentes, des rencontres autour des visages multiples de la poésie contemporaine. ».
Depuis la poésie sonore et déclamatoire, plus ou moins directe, chère à Serge Pey et ses bâtons, pour mieux nous faire battre intensément le pouls, jusqu’au lyrisme des chanteurs poètes Bruno Ruiz et Philippe Berthaut dont le spectacle « Maintenant » repris lors de ce festival, pour le premier, creuse toujours plus avant les sillons de la poésie et de la chanson :
Le poème, à mon sens, ne peut être que l’expression d’un chant profond. C’est dire qu’il doit interroger intentionnellement l’existence, en même temps que le sens du langage ; occuper les lieux d’une langue précise et choisie; avoir, à un moment ou à un autre, valeur de contrat cosmique et spirituel de l’être au monde. Et Bruno Ruiz demeure « fidèle/ à son poids d’hirondelle/ être la sentinelle/ de chaque nuit nouvelle,»
« Plantations », ambitieux spectacle de Philippe Berthaut accompagné par l’incontournable Philippe Gelda, mélangeant les odeurs des châtaigniers de l’enfance, de la vidéo des arbres bruissants au vent, des recettes de cuisine, est aussi repris à cette occasion.
Un éventail d’arc-en-ciel poétique s’ouvre allant jusqu’aux poètes souffis avec Yasmina Louaïl, et un hommage à l’immense Thierry Metz, notre maçon halluciné, que Berthaut a tant défendu et défend toujours.
Il faut mettre en exergue le chanteur Gilles Mechin qui avait jadis célébré l’homme du translucide et des métamorphoses, Jules Supervielle dans « les amis inconnus »,, souvenez-vous :
Il vous naît un ami et voilà qu’il vous cherche,
Il ne connaîtra pas votre nom ni vos yeux,
Mais il faudra qu’il soit touché comme les autres
Et loge dans son cœur d’étranges battements
Qui lui viennent des jours qu’il n’aura pas vécus….
Cette fois-ci, son tour de chant, soulevé par le piano magnifique d’Alain Bréheret, est tout entier consacré au « prince des poètes » par la mise en chansons d’un bouquet subtil de poèmes.
Des rencontres avec des éditeurs, des créateurs de site de poésie dont le superbe Texture de Michel Baglin auront également lieu.
Mais l’accent doit être mis sur quatre poètes du Sud, dont l’ombrageux Claude Saguet et l’immense passeur Henri Heurtebise, et aussi des lectures à deux voix sur la musique verbale des Italiens, le sulfureux D’Annunzio, les désormais classiques Leopardi si cher à Jacques Nichet et Ungaretti, permettront en deux langues d’entrevoir la beauté sonore de leurs poèmes.
Un ami marseillais, Gérald Neveu, répétait souvent que la poésie c’était tout simplement « sortir de soi pour y faire entrer les autres ».
Ce festival de la Poésie en Septembre de la Cave-Po René Gouzenne remplit pleinement cette mission. Merci à eux et venez vous abreuver d’ailleurs et d’ici.
Cave-Poésie René Gouzenne
du lundi 17 au dimanche 23 Septembre 2012
Gil Pressnitzer