Le marathon des mots : UN ÉTÉ ITALIEN
du 28 juin au 1er juillet 2012
Cette édition du marathon des mots créé en 2005, par Olivier Poivre d’Arvor et Olivier Gluzman, est donc déjà à sa septième édition. Elle est décalée fin juin à cause, entre autres, aux échéances électorales. Elle fera cette année la part belle à L’Italie, mais aussi aux échos toujours en mouvements, en mutation, ou en soubresauts, du « printemps arabe », et aux auteurs de notre « lointaine province », le Québec.
Deux auteurs seront particulièrement mis à l’honneur : Georges Perec pour le trentième anniversaire de sa disparition, et le discret et envoûtant Patrick Modiano qui bénéficiera d’un marathon particulier sur France-Culture. Le fait que le Président du marathon des mots, soit également celui de France-Culture assure à ce festival de la lecture et des mots un impact encore plus retentissant partout en France.
Accueilli à sa naissance avec pas mal de réticences, car il faisait l’effet de débarquement de vedettes parisiennes, pas toujours bien capables d’ailleurs de savoir lire un texte, et cela au mépris des talents locaux, mais il a su se dégager peu à peu de ses paillettes pour devenir un immense café littéraire qui irrigue pendant quatre jours et trois nuits toute la ville et ses environs.
Plus de 180 rendez-vous vont permettre de renforcer les liens qui unissent déjà l’Italie et la ville de Toulouse.
C’est bien sûr son actualité littéraire avec surtout des auteurs contemporains, pas aussi célèbres qu’Umberto Ecco ou Claudio Magris, qui seront découverts ou confirmés, mais aussi au-delà de la célébration littéraire, tout un regard sur la situation sociale et politique de notre chère voisine, actuellement en crise, ce que ne laisse pas deviner l’affiche très glamour du marathon des mots. Cette édition avait été bâtie autour de l’écrivain Antonio Tabucchi, hélas disparu le 25 mars 2012 à Lisbonne, dans un ultime nocturne indien. Elle lui sera donc dédiée. Et des lectures de ses œuvres seront faites.
C’est aussi bien la face « blanche » que « noire » avec sa littérature policière, qui sera évoquée par cette plongée au cœur de l’Italie contemporaine que décrit si bien Raffaele Simone dans son essai Le monstre doux expliquant pourquoi l’Europe s’enracine à droite devant l’échec des idéologies sociales, même si cette Europe semble un peu relever la tête. D’autres écrivains sortant des sentiers battus comme Roberto Saviano, Simonetta Greggio, Valerio Magrelli, Antonio Pennacchi, Daniele del Guidice, Milena Agus,…seront à découvrir. Mais aussi des désormais classiques comme Pasolini, Italo Svevo, Leopardi, Ungaretti, Guiseppe Tomasi de Lampedusa, Natalia Ginsburg, Eugenio Montale, Erri de Luca, mon cher Claudio Magris, Alberto Moravia, Primo Levi, Italio Calvino, Dino Buzzati, Giorgio Bassani…auteurs qu’il faut toujours lire et relire.
Le choix judicieux du spectacle de notre cher ami Gianmaria Testa, pour la cinquième fois à Toulouse, est une merveilleuse nouvelle. Ami de Jean-Claude Izzo qui nous avait fait tant aimer Marseille, et d’Erri de Luca, il est plus qu’un chanteur, il est un grand poète parlant aussi bien de l’intime que des immigrés de Lampedusa. Le duo de voix d’Anna Andreotti et de Marghareta Trefolini est absolument à entendre.
Il faut aussi signaler un texte de Marie Nimier écrit sur mesure pour des circassiens, la venue de Pierre Bergounioux en dialogue avec Patrick Autréaux, les lectures d’Éric Lareine sur Perec, de Bruno Ruiz, de Sami Frey bien sûr, mais sans vélo cette fois-ci sur « Je me souviens » de Perec que j’ai gardé intact dans ma mémoire quand il l’avait joué à Toulouse, les performances de la Compagnie Éprouvette de Marc Fouroux, Francis Loubatières et l’art du bunga bunga, l’épopée des violettes, des lettres occitanes, des lectures bilingues et bien d’autres lectures tout aussi attrayantes. Une troupe désormais fidèle fera vivre intensément les textes ; Daniel Mesguich, Catherine Allegret, Fanny Cottençon, Didier Sandre, Marie-Christine Barrault, Pascal Greggory, Bruno Ruiz, Pierre Marty, Valérie Lang….
Un vertige de noms et de lectures si dense que seule la lecture attentive du programme pourra guider le courageux marathonien des mots qui, sans boussole, sera perdu dans ce déferlement de propositions. Alors il saura aller butiner d’un lieu à l’autre, en compagnie aussi bien des écrivains québécois inconnus chez nous, des acteurs éminents des tremblements du monde arabe, que de nos chers transalpins.
Les figures emblématiques de France-Culture Marc Voinchet, Laure Adler, les Papous dans la tête, seront eux aussi de la fête des mots.
Cette édition promet bien des vibrations. Déjà 60 000 personnes avaient suivi l’édition 2011, cela sera sans doute dépassé pour ce marathon qui donne un panorama judicieux de la littérature italienne, ainsi que de l’état du monde actuel.
On ne peut terminer sans saluer la venue de Charles Aznavour qui, s’il n’entend plus les guitares, se souvient de tout son peuple. Anne Sylvestre, notre sorcière pas comme les autres, sera aussi présente pour porter la cause féministe.
Rarement dans ses éditions le Marathon des mots aura offert une telle profusion de propositions littéraires, de musiques et d’images par des films rares ou mythiques (Rocco et ses frères).
Tout cela promet de grands moments d’émotion et de découvertes.
Espérons qu’après ce déluge de sensations les auditeurs se précipiteront vers les librairies et les bibliothèques.
Gil Pressnitzer