Requiem pour une légende
Connu avant tout comme brillant scénariste (Agora, Mar adentro, La Méthode, Vanilla sky, etc.), ce réalisateur canarien nous livre ici un opus d’une beauté sidérante. Il y est question d’une figure légendaire de la mythologie du Far West : Butch Cassidy. En fait pas si légendaire et mythologique que ça, puisque ce personnage et son compagnon d’armes Sundance, dit le Kid, ont bel et bien et malheureusement existé. Hors-la-loi célébrissimes dans les Etats Unis de cette fin du 19ème siècle, ils furent des pilleurs de banques et de trains redoutables. Puis, Butch a disparu. Ses dernières traces nous le montrent en Bolivie où il serait mort en 1908. Mais il n’y a rien de moins sûr. C’est d’ailleurs sur ce postulat que se fonde le scénario du présent film. Mateo Gil nous fait croiser les pas d’un honnête fermier, entré dans l’âge, sur les hauteurs boliviennes, James Blackthorn, qui, fortune faite, décide de retourner en Amérique, sa mère-patrie pour y rencontrer enfin son fils, à qui il écrit régulièrement et qu’il n’a jamais vu… Mais voilà, sur le chemin du retour, le destin le met en présence d’Eduardo, un jeune homme en grande difficulté car poursuivi par une horde improbable armée jusqu’aux dents. En fait il explique à James qu’il a cambriolé une mine appartenant à l’un des plus puissants mafieux de Bolivie. Pour James, alias Butch (mais vous l’avez déjà compris), c’est tout un voile de sa jeunesse aventureuse que se soulève. Il décide de l’aider. Commence alors une longue chevauchée dans des sites naturels beaux à couper le souffle, traversés par la formidable énergie de l’épopée westernienne. Sans se l’avouer, Butch retrouve pour Edouardo le sentiment qu’il éprouva pour le Kid, avec en plus ce besoin de passer un relai. Mais les temps ont changé. Les hommes aussi. Le braquage d’Eduardo n’est pas aussi brillant et légitime qu’il veut bien le dire… C’est incontestablement un film parfaitement accompli, que ce soit dans la direction d’acteurs, les cadrages, le montage, le scénario, la dynamique même de cette réalisation, le soin apporté à chaque plan, l’émotion palpable à l’image, l’extrême qualité de celle-ci, tout concourt à nous emporter dans un monde que l’on pensait révolu. Sans jamais perdre de vu le but de son film, Mateo Gil suit les pas de Butch jusqu’à son ultime moment, avec lenteur et respect pour cet homme extra-ordinaire, un homme qui se croyait sur son Chemin de Damas et qui va monter finalement sur son Golgotha. C’est un film littéralement envoûtant, fascinant, servi par des comédiens hors pair dont le magnifique Sam Shepard (Blackthorn) et l’irrésistible Eduardo Noriega (Eduardo). Quant à la séquence dans le désert de sel (voir photo), elle est d’ores et déjà anthologique !
Robert Pénavayre
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