L’opéra sublime de Lars Von Trier
Le réalisateur danois construit son dernier opus comme une puissante œuvre lyrique en deux actes encadrés d’une ouverture et d’un épilogue. D’une beauté visuelle à couper le souffle, le prélude expose en image l’ensemble des thèmes qui vont structurer le film. C’est d’ailleurs le rôle des ouvertures lyriques romantiques. Puis vient le 1er acte. Un couple de jeunes mariés, Justine et Michael, beaux comme des dieux nordiques, sont dans une gigantesque limousine, gigantesque au point de peiner à prendre un virage sur cette petite route de campagne suédoise qui doit amener le jeune couple jusqu’au somptueux château dans lequel une multitude d’invités en smokings et robes longues les attend impatiemment. Ils finiront par arriver. A pied. La fête est somptueuse. Elle a été réglée à grand renfort financier par la sœur de Justine, Claire. Les discours traditionnels montrent rapidement des failles sévères dans l’ambiance générale. Puis Justine, que l’on voit radieuse, se retire soudain de la fête. Elle y reviendra, pour prendre définitivement congé d’un époux et surtout d’une vie annoncée qu’elle refuse au plus profond d’elle-même. L’ambiance est aussi un peu particulière car s’approche de la Terre la planète Melancholia. D’après les astrophysiciens, elle devrait l’éviter. Sinon… Le 2nd acte peut commencer, ce sera celui de Claire, pragmatique petite sœur, folle de peur à l’idée que la fin du monde est proche. Du fin fond de sa déprime, Justine la rassure et s’occupe aussi de son jeune neveu, également angoissé par l’imminence d’une possible catastrophe. En fait, les scientifiques se sont trompés. La planète va percuter de plein fouet notre Terre. La mélancolique Justine va prendre les choses en main et faire franchir cette étape douloureuse le mieux possible à tout son petit monde. Cela nous vaut un épilogue absolument bouleversant, porté par la sublime partition du Tristan et Isolde de Wagner. A l’intérieur d’une bien fragile cabane de bois, Justine forme un cercle parfait avec sa sœur et le jeune fils de celle-ci. La planète, bleue, couleur de la virginité, va tout faire disparaître, tout ce que Justine rejette dans ce monde. Justine est sereine car cette catastrophe est pour elle libératrice. Cette apocalypse est d’une intensité insoutenable de beauté et d’émotion. L’Alpha et l’Oméga du genre humain vont se cristalliser à jamais pour donner naissance à un nouveau jour. Si une fois le terme de sublime peut-être employé sans exagération, c’est bien ici.
Malgré le passage au statut de persona non grata de Lars von Trier au dernier festival de Cannes suite à ses propos plus que douteux sur Hitler et les Juifs, son film a valu la récompense suprême à l’interprète de Justine : Kirsten Dunst. A ses côtés, que du beau monde : Charlotte Gainsbourg (Claire), John Hurt, Charlotte Rampling, Stellan et Alexander Skarsgard, Kiefer Sutherland.
Robert Pénavayre
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