Qui trop embrasse…
Auréolé aujourd’hui de la Palme d’or du Festival de Cannes 2011, le dernier opus de Terrence Malick n’en demeure pas moins une véritable déception. Attendu par tous les cinéphiles depuis des années, ce film, dont les images somptueuses nous content en un flamboyant raccourci la Création du monde, se perd finalement dans une démonstration bien-pensante faisant le grand écart entre les dinosaures et le Paradis. Entre ces deux espaces temps, Terrence Malick nous fait partager la vie d’une famille américaine, plutôt aisée, dominée par un pater familias pétri de judéo christianisme et animé par une folle envie, celle de la réussite de ses enfants. Leur infligeant une éducation d’une exceptionnelle rigueur, il va faire en particulier de son aîné Jack, une boule de haine envers une société aussi hypocrite que sclérosée. A l’âge adulte, Jack (Sean Penn) se souvient de ces durs moments et d’un père (Brad Pitt) qu’il n’a, peut-être, pas tout à fait compris. Finalement, tout ce petit monde, y compris la maman (émouvante Jessica Chastain) et les deux frangins, va se retrouver au Paradis, au milieu des âmes bienheureuses, dans une éternelle béatitude. Près de deux heures et vingt minutes se seront alors écoulées, au milieu d’une Nature radieuse et de planètes dignes du meilleur des planétariums. Mais trop, c’est trop. Cette fois, le magicien Malick a perdu le contrôle de ses fulgurances métaphysiques et s’est pris les pieds dans le tapis moelleux d’un mysticisme essayant en vain de conjuguer le grandiose dessein de « 2001 Odyssée de l’espace » et la vision saint sulpicienne d’une Amérique aveuglée par la réussite.
Robert Pénavayre