Représentation du vendredi 20 mai
Si votre éventail d’émotions lyriques va au-delà de Tosca ou Traviata, voilà un spectacle à ne pas rater. Le théâtre est rarement dans un tel état de communion avec la scène. Des dizaines de minutes presque sans toux ou raclement de gorge, voilà des conditions idéales pour apprécier la prestation exceptionnelle de l’Akademie für Alte Musik Berlin et du RIAS – Kammerchor dirigés par René Jacobs. Le travail accompli par le chef, et sa direction d’un bout à l’autre de l’ouvrage sont tels que même les plus réticents à ce type de musique et d’écriture vocale ont apparemment rendu les armes, les dernières notes, et même, hélas, un peu avant, libérant un tonnerre d’applaudissements.
Tour à tour incarnation du peuple hébreu, perse ou babylonien, personnage principal de l’œuvre, le chœur habite les prodigieuses sentences chorales avec une aisance incomparable, aidé par un René Jacobs qui n’a pas manifesté un seul instant de précipitation, tout semblant réglé depuis toujours. Dans la fosse, c’est la jubilation. Osera-t-on citer percussions, hautbois, théorbe, mais bien sûr tous les autres.
La distribution ne peut susciter aussi que des éloges, tant la Nitocris, quel rôle magnifique, de la soprano galloise Rosemary Joshua, aussi bien musicalement que scéniquement, le Cyrus du contre-ténor Bejun Mehta qui, après son air d’entrée absolument redoutable, a pu se libérer et nous prouver ses qualités vocales s’affirmant de jour en jour. Ne pas oublier que Cyrus est le véritable héros de cet opéra et qu’ Haendel ne l’a pas du tout ménagé dans l’écriture de ses airs qui s’adressaient alors à un castrat.
Encore deux belles distributions avec le baryton Jonathan Lemalu dans Gobryas, noble assyrien offensé impuissant qui n’aspire qu’à la vengeance, et la mezzo Kristina Hammarström dans le prophète juif Daniel l’opprimé. Enfin, si dans le rôle de l’oppresseur et du tyran Belshazzar, Kenny Tarver a paru un peu en retrait côté voix, sa présence sur scène rachète l’ensemble.
Quant aux décors, costumes et surtout jeux de lumières, ils semblent se fondre et épouser la musique. Œuvre très théâtrale, oratorio d’abord, Belshazzar ne doit pas sombrer dans le spectaculaire d’où le choix de Christof Nel de suggérer plus que de montrer, idéal pour la scène du Capitole, notre attention n’étant alors jamais distraite, la structure modulable et le jeu des acrobates et figurants s’effaçant derrière le prodigieux spectacle pour l’imagination offert par le sujet de l’œuvre.
Vous l’aurez compris, votre serviteur ne peut que vous conseiller…de vous déplacer.
Michel Grialou