Qui a dit : « Ce qu’au nom de l’Histoire nous demandons à l’artiste moderne est toujours basé sur des analogies. Mais, comme une situation historique ne se reproduit jamais littéralement, les déductions par analogie de cette sorte, même les plus séduisantes, sont toujours caduques. »
Marc Minkowski a fait le choix d’interpréter ce monument en remplaçant la masse chorale par dix choristes à la fois solistes soutenus par vingt-six instrumentistes. L’étrange œuvre, cette “messe à numéros“, se déroule alors sur un seul plan sonore, tous créant les dynamiques, non par un effet d’opposition de blocs, mais par les timbres. Et le résultat ? Enthousiasmant. Dans cette Halle aux grains vraiment peu propice quant au rendu de certaines œuvres, l’adhésion du public est bien le gage de la totale réussite du choix artistique du chef. Sa fougue fait le reste. Ceux qui de par la situation de leur fauteuil auront pu goûter pleinement les “entrelacements grouillants et signifiants“ des voix et des instruments, remercieront le ciel, et garderont longtemps la mémoire auditive de l’Agnus dei. A ce propos, le choix des solistes paraît extrêmement délicat, et prouve bien que la Messe en si est bien une œuvre de chef. La communion fut parfaite entre les choristes-solistes placés en fond d’orchestre et les musiciens. La trilogie, solistes en rang d’oignon-musiciens-choristes risque de paraître à l’avenir plutôt ennuyeuse.
Cependant, nous aurons tous pu remarquer aussi que l’interprétation dite “baroque“ peut fort bien s’appuyer sur une pulsation dynamique très fine qui n’oblige pas à hacher la partition comme on prépare un tartare au couteau. Nous étions loin du côté saccadé-sautillant exaspérant de certaines interprétations qui finissent par vous donner le hoquet.Et remarquer encore que la pratique des instruments anciens à ce niveau de qualité peut contribuer à vous fâcher définitivement avec les instruments modernes, dans l’exécution de ce type d’œuvres, bien sûr.
En résumé, peut-être pas beaucoup de convertis sur le plan religieux, mais sûrement bien plus de convertis à la musique quand elle nous est offerte à ce niveau d’intelligence, de goût, et de probité. A n’en pas douter, de là-haut, Jean- Sébastien Bach arborait un large sourire.
Michel Grialou