Kaouther Adimi publie La joie ennemie aux éditions Stock. Elle rejoint ainsi les nombreux auteurs de la collection « Ma nuit au musée » et raconte sa nuit à l’Institut du monde arabe.

Kaouther Adimi © Marie Rouge
Le principe est simple. Un auteur, un lieu, un artiste. Et pour les lier, la nuit. Kaouther Adimi fait désormais partie de ceux qui ont vécu l’expérience. Son choix s’est porté sur l’Institut du monde arabe et plus précisément sur l’exposition consacrée à l’artiste algérienne Baya. Un simple lit de camp est déplié et l’autrice va se retrouver seule, au plus exactement en face à face avec les tableaux de la peintre. D’abord, une forme de trouble et d’impatience. Puis les pensées vagabondent. A la vie de Baya viennent s’incruster des images plus personnelles, plus anciennes. Et surtout un épisode précis. Un épisode traumatique et charnière dans l’existence de l’autrice.
Ce que la nuit révèle
Kaouther vit à Grenoble lorsqu’en Algérie la violence éclate. 1994. La narratrice est arrachée à sa vie d’insouciance et à ses rêves d’enfants. Les parents décident de rentrer en Algérie, alors que d’autres font le trajet inverse pour se protéger du conflit. Le choc est imminent et insondable. Il faut se taire, se cacher. Quitter des lieux pour éviter des attaques. La famille part se réfugier près des siens. Lors de cet exode, ils sont pris en embuscade dans un faux barrage. Les terroristes guettent. Le père n’a qu’un seul choix pour sauver sa famille. Et cet instant, qui ne durera que quelques secondes, sera décisif pour le reste de la vie. Pour la mémoire qui enfin se souvient.
Kaouther Adimi déterre le passé et les silences familiaux. Elle recoupe les divers récits pour toucher la vérité. Elle interroge les parents, le frère. Elle retourne sur les lieux. Elle tente de reconstruire une mémoire parcellaire. Et, au milieu de ces bribes d’événements, revient Baya. Baya qui est recueillie par une famille adoptive et qui l’aidera à poursuivre son art. Mieux, Marguerite sa protectrice la laissera venir à Paris pour présenter ses peintures. Autour d’elle, Matisse, Picasso ou encore Albert Camus. Ces deux trajectoires de vie se rencontrent et s’éloignent avec la grâce dont est capable Kaouther Adimi. Et le résultat offre un texte percutant et intime.