Chaque mercredi, on rend hommage à un grand classique du cinéma. A voir ou à revoir.
Les Raisins de la colère de John Ford
Sorti en 1940, un an à peine après la publication du roman de John Steinbeck dont il est l’adaptation, Les Raisins de la colère est devenu instantanément un classique sur la Grande Dépression de 1929 aux Etats-Unis. On suit Tom Joad, sortant de pénitencier après quatre ans de détention pour une rixe au cours de laquelle il tua un homme, qui retrouve la ferme familiale dans l’Oklahoma. Mais comme tant d’autres fermiers de cet Etat rural, en ce début des années 1930, les Joad sont contraints de quitter leurs terres sous la pression des propriétaires, faisant raser leurs maisons, et prennent la route vers la Californie où ils espèrent trouver du travail. Le chemin sera long, ponctué d’épreuves avant d’atteindre ce qu’ils pensent être la « terre promise ».
Le film de John Ford décrit un pays en mutation, basculant dans une modernité éradiquant les façons de vivre de gens ordinaires, de travailleurs, de paysans littéralement déracinés et confrontés à un capitalisme sans visage, celui de sociétés et de banquiers qu’ils ne rencontreront jamais. En revanche, ils devront faire face à ceux qui les servent (shérifs aux ordres, nervis) ainsi qu’à l’indifférence de nombre de leurs concitoyens envers ces nouveaux miséreux luttant pour leur survie.
Dignité et justice
Au fil du périple des siens, Tom Joad va se révolter contre l’arbitraire et l’injustice, contre les patrons profitant de l’abondance de main-d’œuvre pour tirer les salaires vers le bas, contre la violence des agitateurs chargés de briser les grèves et de faire la chasse aux « rouges ». En dépit de sa noirceur et du tragique, Les Raisins de la colère ne verse jamais dans le pathos ni dans la caricature. Les Joad et leurs frères d’infortune découvrent aussi la générosité et la solidarité de certains, notamment sur un camp auto-géré, créé par l’Etat et accueillant des travailleurs migrants.
La mise en scène de Ford se focalise sur les visages, use de plans larges, joue avec la profondeur de champ, en étant servie par la magnifique photographie de Gregg Toland (qui signera l’année suivante celle de Citizen Kane d’Orson Welles) et par des acteurs exceptionnels comme John Carradine, Jane Darwell ou, bien sûr, Henry Fonda inoubliable dans le rôle de Tom Joad. Œuvre emblématique du « populisme » (vieux courant politique américain qui n’a rien à voir avec le sens désormais accolé au terme), ode à la dignité et à la justice, Les Raisins de la colère n’a rien perdu de sa force.
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