Chaque mercredi, on rend hommage à un grand classique du cinéma. A voir ou à revoir.
La Chevauchée des bannis d’André de Toth
Moins célèbre que les grands maîtres du western de l’âge d’or hollywoodien (John Ford, Howard Hawks, Anthony Mann…), André de Toth est cependant l’un des brillants spécialistes du genre dont les films sont chers au cœur des cinéphiles et adulés par de nombreux cinéastes parmi lesquels Bertrand Tavernier, Martin Scorsese ou Quentin Tarantino. Si La Chevauchée des bannis, sorti en 1959, est considéré comme sa plus grande réussite, c’est d’abord en raison de la profonde originalité de ce western déjouant les conventions. D’abord par l’utilisation d’un noir et blanc aussi contrasté qu’austère (superbe photographie de Russel Harlan) alors que l’époque est plutôt au technicolor flamboyant, puis par la construction d’un scénario qui tourne le dos aux rebondissements attendus.
Dans un petit village perdu du Wyoming comprenant une vingtaine d’âmes, l’éleveur Blaise Starrett se heurte à des fermiers désireux de clôturer leurs terres. Cependant, la querelle a un ressort plus intime : Starrett n’a pas renoncé à reconquérir la femme de l’un des fermiers qui fut autrefois sa compagne. Le conflit, sur le point de dégénérer en règlements de comptes dans le saloon du hameau, est interrompu par l’irruption d’une bande de sept hors-la-loi menés par un ancien officier de l’armée, Jack Bruhn, blessé par balle. Prise en otage, la population est sous la fragile protection de Bruhn réfrénant ses hommes tentés par l’alcool et les femmes du village…
Enfer blanc
Loin d’être une banale opposition entre « gentils » et « méchants », La Chevauchée des bannis mise habilement sur l’ambivalence et l’ambiguïté des personnages, en particulier Starrett et Bruhn, respectivement interprétés par les remarquables Robert Ryan et Burl Ives. En outre, le film alterne des scènes en huis clos et des scènes en extérieur, mais même les paysages et les grands espaces distillent un sentiment d’enfermement. Au dépouillement des décors intérieurs répond la blancheur des montagnes enneigées. Un « bal » organisé par Bruhn pour apaiser son gang prend des allures de cauchemar. Un suspense digne d’un film noir (autre genre de prédilection d’André de Toth) maintient une tension constante.
Privilégiant les enjeux psychologiques et humains au détriment de toute joliesse ainsi qu’aux traditionnelles scènes d’actions (duels, fusillades…), La Chevauchée des bannis, bien que s’appropriant des thèmes fondateurs du western (la frontière, la communauté, la violence, la nature), demeure un film totalement singulier. Efficace, réaliste, il ne néglige pas l’allégorie et s’achève dans un enfer blanc ouvrant la voie à la rédemption.
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