Les 23 et 25 juin prochains, le Théâtre Jules-Julien accueillera une création singulière portée par les élèves de deuxième année du cycle spécialisé du département théâtre du Conservatoire de Toulouse. Mise en scène par Hugues Chabalier, Mésaventures et décomposition de la compagnie de la danse de la mort, d’après un scénario oublié de Jean-Patrick Manchette, propose un spectacle méta-théâtral entre satire politique et engagement collectif.
Un projet nourri d’un texte oublié
C’est un scénario oublié de 1968, un texte de Jean-Patrick Manchette, que le metteur en scène Hugues Chabalier a remis en lumière avec ses élèves de 2e année du cycle spécialisé du département théâtre du Conservatoire de Toulouse. Intitulée Mésaventures et décomposition de la compagnie de la danse de la mort, l’œuvre originale dépeint la chute grotesque d’une troupe de théâtre se vantant d’être révolutionnaire. Entre chaos organisé et critique de l’art engagé, Manchette y dresse un portrait des illusions militantes d’une époque.
Pour Hugues Chabalier, également professeur au Conservatoire de Toulouse et directeur artistique du Théâtre Jules-Julien, cette œuvre était une évidence : « C’est un texte un peu provoc, un peu anarchiste ou un peu joueur, qui a une vraie réflexion sur ce qu’est l’engagement dans l’art », confie-t-il. Loin de vouloir en faire une reconstitution muséale des années 70, l’équipe s’est attelée à une réécriture fidèle à l’esprit du texte, mais ancrée dans les préoccupations actuelles des jeunes artistes.
Un laboratoire d’expérimentation
Sur scène, huit élèves incarneront tour à tour les membres de cette compagnie en perdition… et d’autres personnages d’importance moindre. Car avec plus de 80 tableaux et une trentaine de rôles à répartir, l’organisation a été pensée comme un jeu de construction. « Chacun a un personnage principal au sein de la troupe, mais aussi plusieurs personnages annexes, parfois avec seulement deux ou trois répliques », explique Louméo, l’un des élèves-comédiens. Pour garantir une répartition équilibrée du temps de parole, les rôles ont été attribués par le metteur en scène, et les changements de costumes fréquents viennent souligner cette diversité de figures.
Le décor, lui, reste sobre, mais évolutif. S’il était inenvisageable de créer un univers visuel unique pour chacun des 80 tableaux, compte tenu du coût que cela aurait engendré, l’équipe a opté pour des détails évocateurs et une narration solide. « Souvent, ce sont les comédiens eux-mêmes qui racontent l’histoire, même quand leur personnage disparaît. L’acteur continue, il reste au service du récit », précise Annabelle, également comédienne dans la pièce.
Une réécriture à plusieurs voix, pour une pièce réussite
Car Mésaventures et décomposition… n’était pas, à l’origine, une pièce de théâtre. C’était un scénario cinématographique, aux dialogues rares et aux descriptions techniques inadaptables. Il a donc fallu tout repenser. Sous la direction de Hugues Chabalier, les élèves ont travaillé collectivement à une adaptation scénique. Une écriture à deux mains, celles d’Hugues Chabalier, où chacun a pu tout de même être force de propositions, de discussions quant à la forme finale. « Le groupe voulait un projet collectif, avec beaucoup de personnages, pour jouer ensemble, se retrouver régulièrement… alors j’ai pensé à ce texte qui me tenait à cœur », raconte Hugues. La date de représentation, qui coïncide presque avec les 30 ans de la mort de Manchette, ajoute au projet une dimension hommage inespérée.
La pièce se construit ainsi sur plusieurs niveaux. Une compagnie actuelle joue une compagnie fictive, c’est du méta-théâtre, dans le fond comme dans la forme. « Dans la vie nous sommes une compagnie, qui jouons une autre compagnie, qui fait aussi des spectacles, tout cela dans un spectacle » résume Nawel, une autre élève du cycle. Le spectateur se retrouve embarqué dans un jeu de miroirs.
Un défi de rythme et de précision
Mais cette complexité a un prix, celui du rythme. Le plus grand défi, pour les comédiens ici, est de maintenir la cadence, « Il faut enchaîner les tableaux, être présent à chaque réplique… c’est ce qu’il y a de plus difficile pour moi », confie Louméo. Les changements rapides de costumes, les multiples rôles à mémoriser, la coordination constante exigent une concentration de tous les instants.
Annabelle confirme : « la logistique et la mémorisation sont deux défis auxquels nous allons devoir faire face ». Et pourtant, si tout s’aligne, la pièce promet d’être une expérience intense. « Les tableaux s’enchaînent rapidement, tout doit être rapide et fort dès le début. Le public ne risque pas de s’ennuyer. C’est la magie du théâtre », ajoute-t-elle.
Une immersion plurielle : danse, musique et théâtre
En plus du jeu théâtral, la pièce intègre des moments de danse, des séquences musicales jouées en live et des passages chantés. Ces éléments permettent d’évoquer, parfois sans mots, les émotions et les états de la compagnie en déroute. La danse devient un langage visuel pour traduire ce qui ne peut être dit, sans compter la musique qui habille l’ambiance des scènes, et le chant qui ajoute une atmosphère supplémentaire.
Au-delà de la performance, ce projet est aussi un exercice de formation. Il met en valeur l’autonomie des élèves, leur capacité à s’approprier une œuvre et à en tirer une pièce cohérente tous ensemble.
Infos pratiques : Dates : dimanche 23 juin à 19h30 et mardi 25 juin à 19h00 ( réservation ici ) Lieu : Théâtre Jules-Julien, Toulouse Interprétation : élèves de 2e année du cycle spécialisé – département théâtre, Conservatoire de Toulouse Mise en scène : Hugues Chabalier