Chaque mercredi, on rend hommage à un grand classique du cinéma. A voir ou à revoir.
Hôtel du Nord de Marcel Carné
« Atmosphère ! Atmosphère ! Est-ce que j’ai une gueule d’atmosphère ? » : on ne peut pas réduire le film de Marcel Carné à la réplique prononcée par Arletty et devenue peut-être la plus célèbre du cinéma français, mais elle a conféré à Hôtel du Nord son statut de classique. Après Drôle de drame et Le Quai des brumes, avant Le Jour se lève, Les Visiteurs du soir et Les Enfants du paradis, le quatrième long-métrage du cinéaste prend place dans son âge d’or créatif. En outre, Hôtel du Nord, adapté du roman d’Eugène Dabit, bénéficie d’une conjugaison de talents : Jean Aurenche et Henri Jeanson au scénario, Maurice Jaubert à la musique, Alexandre Trauner aux décors et bien sûr un casting éblouissant. Aux côtés d’Annabella (star aujourd’hui oubliée), d’Arletty, de Louis Jouvet, de Paulette Dubost ou du jeune Jean-Pierre Aumont, on repère aussi des débutants, comme François Périer ou Bernard Blier, appelés à faire une belle carrière.
Dans cet hôtel, situé au bord du canal Saint-Martin à Paris, on découvre un groupe de pensionnaires réunis pour une communion lorsqu’un jeune couple apparaît et prend une chambre. L’homme et sa compagne ont décidé de se suicider, mais après qu’un coup de feu a retenti durant la nuit, seule la femme est blessée tandis que l’homme a pris la fuite…
De la comédie au mélodrame
Manière de film choral, Hôtel du Nord mêle très habilement les genres, passant de la comédie au mélodrame, de la romance au film noir, à travers les destinées croisées d’un groupe de personnages pittoresques. Parmi eux, le couple formé par Louis Jouvet et Arletty, un petit voyou et une prostituée, brille d’un éclat particulier. L’actrice éclabousse chaque scène de sa gouaille, de son charisme, de son argot élevant le langage des rues au rang de la pure poésie.
A l’exception des deux somptueux mouvements de caméra qui ouvrent et terminent le film, la mise en scène de Marcel Carné ne fait pas dans le spectaculaire. Elle se met avec efficacité au service des comédiens et de l’intrigue. En dépit de sa noirceur foncière, Hôtel du Nord distille une sorte de joie de vivre qui prend une allure de défi. Une allusion à la guerre d’Espagne (à travers un petit garçon réfugié) nous rappelle que les temps sont tragiques (et le pire est à venir). Mine de rien, Carné et ses scénaristes abordent des sujets peu habituels pour l’époque (la prostitution, l’homosexualité, l’adultère). Entièrement tourné en studio, le film a aussi immortalisé un Paris populaire qui n’existe plus. Quelle atmosphère…
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