Mes trois derniers concerts à La Roque d’ Anthéron pour cette 42 deuxième édition prouvent la variété des propositions. Trois concerts on ne peut plus différents. Le récital plein de charme et un jeu très sensuel du pianiste espagnol Luis Fernando Pérez, bien connu des Toulousains. Marc-André Hamelin qui va venir à Piano Jacobins mérite toute notre attention par un jeu précis et une intelligence sidérante. Cela dit c’est un peu au dépend de l’émotion toutefois.
Et en Concert Final, l’Orchestre de Chambre de Lausanne en majesté et la découverte d’un pianiste au timbre ensorceleur et au jeu chaud et incarné : Jorge GONZALES BUAJASAN. Renaud Capuçon artiste médiatisé à outrance est un partenaire au violon du meilleur niveau mais se révèle un bien piètre chef d’orchestre…
CRITIQUE, concert. ROQUE D’ANTHERON, le 19 août 2022. Récital Luis Fernando PEREZ, piano. BACH. MONPOU. GRANADOS.
Luis Fernando Pérez toute l’élégance du piano hispanique
Pour ce concert de 11 h la salle est bien pleine et la rencontre entre le public et le pianiste dès son entrée en scène est très franche. Dans un français délicieux, il explique un léger changement de programme et son besoin de la partition tant la composition de Mompou est complexe. Nous voulons bien le croire mais son jeu est si élégant tout du long qu’aucune difficulté ne semble le limiter. Il est souverain dans cette partition complexe aux harmoniques improbables et aux rythmes déstructurés. La modernité de l’œuvre rend le thème méconnaissable bien souvent, mais le retrouver même devenu grotesque est un jeu intéressant. Puis il se lance dans la Grande Chaconne de Bach revue par Busoni. C’est un grand moment de piano dans lequel virtuosité et beauté se donnent la main. Avec un art très serein Pérez en donne une interprétation précise et d’une grande profondeur. La virtuosité est assumée dans cette élégance suprême qui caractérise le jeu de cet artiste.
Pour terminer son récital Luis Fernando Pérez choisit une œuvre qu’il connaît particulièrement bien et qui met en valeur toutes ses qualités : les Escenas Romanticas de Granados. Sans rien y mettre de folklorique il en rend toute l’hispanité avec une évidence de chaque instant. Ce piano est fluide, nuancé et chaloupé. Les couleurs sont innombrables et toujours l’attention est stimulée par la variété du jeu. La douceur de certains phrasés est une délectation et les rythmes bien charpentés sont tonifiants. La douce mélancolie de certains moments, la douleur d’autres et la gaité parfois, tout se suit comme dans la vie. Le naturel avec lequel ce musicien interprète ces pièces nous fait penser qu’il les connaît comme si c’était lui qui les avait composées. L’appropriation est d’une évidence sidérante. Il est chez lui dans cette musique et nous invite avec la noblesse et la simplicité d’un grand seigneur.
Le succès est grand et le public plébiscite un artiste qu’il apprécie toujours énormément. Avec beaucoup de gentillesse il nous offre un bis, qu’il a choisi pour La Roque : Mamboco, une Danse précolombienne. Cet air populaire prend sous ses doigts une grande élégance et devient une musique délicieuse. Le musicien quitte son public bien aimé dans un large sourire. Le bonheur était partout dans la salle et chez l’artiste. Très beau concert à 11 h avec un artiste très attachant.
Hubert Stoecklin
CRITIQUE, concert. ROQUE D’ANTHERON, le 19 août 2022. Auditorium Centre Marcel Pagnol. Récital de Luis Fernando PEREZ, piano. Jean-Sébastien BACH (1685-1750) / F. BUSONI (1686-1924) : Chaconne de la partita pour violon n°2 BWV 1004 ; Federico MONPOU (1893-1987) : Variations sur un thème de Chopin ; Enrique Granados (1867-1916) : Escenas Romanticas. Crédit photo : Christophe Gremiot 2019.
CRITIQUE, concert. ROQUE D’ANTHERON, le 19 août 2022. Récital de Marc-André HAMELIN, piano. BACH. HAMELIN. BEETHOVEN.
Le pianiste canadien sensationnel à connaître!
Venu du Canada Marc-André Hamelin fait l’actualité au disque avec un enregistrement mémorable de Sonates de Carl-Philipe Emmanuel Bach, encensé par la critique. La sonate Württembourgeoise qui ouvre son récital est une œuvre magnifique originale et qui fait un beau portrait de ce fils Bach si doué. Une certaine modernité, un chant éperdu dans l’andante et une virtuosité assumée. Marc-André Hamelin est parfait. Style impeccable, son généreux et legato supérieur. Il semble très à l’ais avec ce compositeur dont il rend les beautés très désirables.
Puis Le compositeur-interprète se révèle. Avec beaucoup de délicatesse il nous offre sa dernière œuvre, une suite de danse à l’ancienne qui semble sœur de Ravel et Debussy lorsqu’ils se livrent à des hommages au style ancien. La fraicheur de l’invention et la virtuosité sont très intéressantes. Ce jeu impeccable, ces nuances subtiles et ces couleurs variées sont des qualités très remarquable. Hamelin interprète rend très vivante la composition de Hamelin compositeur. Il renoue avec tous ces virtuoses-compositeurs avec talent.
Pour finir son récital le pianiste Canadien se lance dans une interprétation très originale de la sonate « Hammerklavier » de Beethoven que je n’ai jamais entendu sonner ainsi. C’est comme si Hamelin la jouait en compositeur qui en apprécie toute la construction. Il nous la rend limpide, joue droit et certains tempi sont très rapides. Cette virtuosité impeccable a quelque chose d’un peu froid, il n’y a rien d’expressif dans ce jeu, rien de romantique. Tout est mis en perspective absolument tout. Il n’y a jamais d’ombres, tout est lumineux. Cette lecture analytique et parfaite déroute, elle fait redécouvrir l’œuvre.
L’effet sur le public est électrisant. Ce n’est pas tous les jours qu’un tel chef d’œuvre nous est révélé autrement.
Le succès considérable de l’artiste réchauffe l’ambiance et il offre trois bis à son public conquis.
Sa lecture d’Images, Reflets dans l’eau de Debussy est tout aussi iconoclaste, révélant la modernité de l’œuvre plus que sa poésie. Cet artiste a une énorme culture pianistique entre Europe et Amériques. Il propose deux œuvres très rares de William Bolcom, compositeur américain avec deux Rag plein de vie.
Marc-Antoine Hamelin est un artiste original et attachant que la Roque nous a fait découvrir ce soir, un grand merci !
Hubert Stoecklin
CRITIQUE, concert. ROQUE D’ANTHERON, le 19 août 2022. Auditorium du Parc du Château de Florans. Récital de Marc-André HAMELIN, piano. Carl Philippe Emmanuel BACH (1714-1788) : Sonate Württembourgeoise en la bémol majeur Wq 49/2 ; Marc-André HAMELIN (né en 1961) : Suite à l’ancienne ; Ludwig van BEETHOVEN (1770-1827) : Sonate pour piano n°29 « Hammerklavier » Op.106.
CRITIQUE, concert. ROQUE D’ANTHERON, le 20 août 2022. Concert. Jorge GONZALES BUAJASAN, piano. Orchestre de Chambre de Lausanne. Renaud CAPUCON. MENDELSSOHN.
Concert de clôture festif pour la 42ième édition du Festival de La Roque d’Anthéron.
Il y a deux jours nous avons pu voir le chef charismatique qui avait eu en charge l’Orchestre de Chambre de Lausanne de 2000 à 2013. Christian Zacharias a laissé une forte empreinte à ce bel orchestre. Ce soir l’orchestre est dirigé par un chef récemment installé à sa tête : Renaud Capuçon qui s’improvise ainsi chef d’orchestre. Il ne nous a pas convaincus un instant. Il n’a aucune qualité pour cela et semble même perdu lorsqu’il joue et doit reprendre la direction de l’orchestre. C’est étrange comme ce violoniste de talent peut se fourvoyer ainsi. Cela n’a pas eu de conséquences car l’orchestre sait jouer seul avec des regards constants entre les quatre chefs de pupitres du quatuor à cordes. Ce programme tout Mendelssohn rend hommage à ce très grand compositeur bien trop négligé. Le concerto pour piano et violon est très bien écrit proposant des moments originaux entre le passage d’une forme sonate à des moments d’orchestre avec instruments obligés. C’est très souple, la virtuosité est musicalement agréable et les mouvements s’enchaînent avec facilité. Le jeu de pianiste cubain Jorge Gonzales Buajasan est très intéressant. Une belle pâte avec une noblesse de ton et une souplesse admirable. Les couleurs sont belles, les nuances subtiles et les doigts du musicien sont très agiles. Voilà un pianiste aux qualités remarquables, nous le retrouverons avec plaisir.
Renaud Capuçon est un violoniste impeccable qui est un partenaire sûr et dont le jeu est à la hauteur des exigences de la partition. Il s’agit d’un bien beau concerto qui aurait sa place plus régulièrement dans la programmation des salles de concerts. Pour la deuxième partie la joyeuse symphonie Ecossaise de Mendelssohn est une bonne idée pour finir en beauté un festival heureux qui après deux années terribles a retrouvé son large public. Oui c’était la fête à La Roque car le pari de René Martin est gagné ; sa détermination et son organisation parfaite ont ravi le public venu très nombreux et également ce soir pour fêter la Musique. Cette symphonie avec les belles couleurs de l’Orchestre de Chambre de Lausanne est un enchantement. Précision, nuances et élégants phrasés, rien ne manque à l’orchestre. Heureusement Renaud Capuçon les a laissé jouer, se contentant de gestes généraux sans rien leur demander en particulier. Ils avaient tout le plaisir du monde à jouer et ne s’en sont pas privé. Nous avons entendu une symphonie magnifiquement sonore avec un final enthousiasmant. Rarement à la Roque d’Anthéron les derniers sons n’auront pas été ceux d’un piano solo ; ce soir ce sont les cors qui resteront en mémoire comme une joyeuse expression de liberté. Vive la Musique et la liberté ! Le public enthousiaste a obtenu le bis du deuxième mouvement de la symphonie. Pour ma part je serai bien resté avec le son si joyeux des cors dans le final de la symphonie comme un hymne.
Hubert Stoecklin
CRITIQUE, concert. ROQUE D’ANTHERON, le 20 aout 2022. Auditorium du Parc. Concert Jorge GONZALES BUAJASAN, piano. Renaud CAPUCON, violon et direction. Orchestre de Chambre de Lausanne. Félix MENDELSSOHN (1809-1847) : Concerto pour piano, violon et cordes en ré majeur ; Symphonie N°3 en la mineur Op.56 « Ecossaise ». Photo : © Valentine Chauvin.
Ces trois critiques ont été rédigées pour CLASSIQUENEWS.COM