Chaque semaine, on vous invite à lire une nouveauté, un classique ou un livre injustement méconnu.
Revoilà en ce début d’année l’auteur de La Petite Française (prix Interallié 1997) et d’Un bien fou (Grand Prix du roman de l’Académie française en 2001) avec un roman où l’on retrouve l’univers de cet écrivain au style à la fois lapidaire et chargé de réminiscences. Pierre et Claire sont à la tête des éditions des Epées. Une maison à l’ancienne. Pas de réseaux sociaux, ni d’édition numérique. L’autofiction est bannie du catalogue. A l’inverse de tant de leurs proches, le mariage de ces sexagénaires a tenu, mais quelque chose s’est perdu en route. Il y a eu des déceptions, des traîtrises. La mort a aussi fait son œuvre. La mélancolie a pris le pas sur l’excitation. On appelle cela vieillir. « Paris n’était plus pour eux cette ville miraculeuse où les surprises succédaient aux surprises et où la nuit tombait comme un miracle », constate Pierre. En province, ce n’est pas mieux. On ne reconnaît plus les villes de nos jeunes années. Même les gares ont perdu leur poésie. « Comment avons-nous fait pour nous habituer à la laideur ? ». On cherche encore la réponse.
Voyage à deux
Pour autant, les personnages de Neuhoff refusent de céder au désenchantement. Le jardin du Luxembourg ressemble toujours à un dessin de Sempé. Les livres demeurent un puissant réconfort. L’alcool sert à raccourcir les soirées. L’air du large offre des échappatoires. Comment se lasser de Venise, Capri, Syracuse, San Feliu ou du Cap-Ferret ? Et puis, il y a leur vieil ami écrivain Mathieu. Lui et Pierre n’ont pas dessaoulé pendant dix ans. Les années 1980 toléraient ce genre de fantaisie. Du moins dans leur milieu. Mathieu se répète, ses romans nostalgiques ont l’allure de testaments.
Il n’y a pas d’intrigue dans Rentrée littéraire. Juste des tranches de vie, des images, des souvenirs épinglés avec la précision, l’humour et la délicatesse qui sont la signature d’Eric Neuhoff. Les mots de passe et les clins d’œil abondent. Comment disait Stendhal déjà ? Ah oui, « for the happy few ». Dans ces pages où la vie palpite, on boit du champagne de chez Selosse, on se souvient de Michel Mohrt, les formules et les dialogues crépitent, un dîner semble échappé de La Grande Bellezza. « Il n’en revenait pas d’avoir épousé la femme qui était faite pour lui », s’émerveille Pierre. Ultime précision : Rentrée littéraire est d’abord une histoire d’amour.
Rentrée littéraire • Albin Michel
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