Ce mercredi 20 avril, Les Malheurs de Sophie est en salles, dont celles du Cinéma ABC Toulouse. Courez-y, petits et grands et moyens !
Voici « les films que j’aime » du réalisateur Christophe Honoré. (entretien réalisé ce 21 août 2014, mis à jour chaque année)
1) Le film qui vous a causé votre premier choc cinématographique.
Dans ce genre de questionnaire finalement, ce n’est pas la sincérité, ni la spontanéité mais une espèce de mémoire arrangée à chaque fois, qui vous fait penser qu’il y a un film qui serait le premier important. Mais au bout du compte, ce n’est peut-être pas ce film-là.
Après, j’ai tendance à penser que le premier film important est une reprise de Lola de Jacques Demy, vu au cinéma Katorza à Nantes, quand j’allais chez ma grand-mère en vacances. Mais je ne suis pas si sûr que cet épisode-là n’est pas réécrit par ma mémoire… mais bon, je vais dire celui-là.
2) Le film qui vous a fait dire « je veux être réalisateur ».
Est-ce que c’est le même ?… Je dirais plutôt que c’était quand j’étais en 4ème-3ème, il y avait un journal de collège où je me chargeais un peu des critiques cinéma. Déjà je me présentais comme un futur réalisateur, ce qui était, évidemment, insensé. Mais j’avais été très marqué par Paris, Texas de Wim Wenders.
Je crois que c’était le premier film sur lequel j’ai écrit, j’avais 13-14 ans. Je me souviens très bien de ce papier. Du coup, j’aurais tendance à penser que c’est lui qui m’a laissé envisager l’idée d’être réalisateur : quand vous écrivez sur un film, vous vous posez forcément la question de la mise en scène en fait.
3) Le film que vous offrez le plus.
Je n’offre pas de films.
Mais pendant un moment, j’ai offert à plusieurs personnes un film tchèque, Éclairage Intime d’Ivan Passer. Je l’ai découvert quand la maison d’édition Malavida a ressorti plein de films tchèques de la Nouvelle Vague.
J’adore ce film.
4) Le film que vous ne vous lassez pas de revoir.
Le film en tout cas que j’ai revu le plus à sa sortie, 17 fois, c’est Trop belle pour toi de Bertrand Blier qui me fascinait vraiment. J’ai eu plusieurs fois cette sensation-là d’addiction soudaine à un film, et si vous ne le voyez pas au moins une fois dans la journée, vous vous sentez mal *. Ceux qui m’aiment prendront le train de Patrice Chéreau, je l’avais aussi vu énormément à sa sortie. Le film que j’ai le plus vu, dans ma vie, est Trop belle pour toi. Ça fait très longtemps que je ne l’ai pas revu. Je crois que je l’aimerais bien parce qu’il y a aujourd’hui une espèce de déconsidération un petit peu de Blier qui, à mon avis, est assez mal venue, notamment tout ce qui est de l’ordre de la théâtralité chez lui. Je pense que le cinéma français est beaucoup plus lié au théâtre qu’il ne l’imagine et la manière dont lui l’assumait était assez insensée.
5) Le film qui vous fait dire « il devrait être obligatoire au Bac ! ».
Elle est bizarre votre question… Juste pour que les gens comprennent que le cinéma, ce n’est pas ce qu’ils imaginent, et les obliger à se dire qu’un film n’est pas ce qu’ils pensent, je dirais India Song de Marguerite Duras.
6) Le film qui vous fait dire « c’est mon histoire, ça ! » mais pas un film de vous.
Certainement pas un film de moi, ça c’est sûr. Est-ce que vraiment je me suis identifié dans un film… Je pense à un mauvais film, je ne peux pas citer ça… Je n’en vois vraiment pas, je fonctionne assez peu à l’identification au cinéma.
7) Le film dont vous avez repoussé le visionnage à cause d’un gros préjugé et qui vous fait dire « les préjugés, c’est tout pourri ».
Non, avec les préjugés, on a toujours raison. Quand on sait qu’on va détester un film, il est rare, très très rare, qu’on l’aime bien. Je suis pour les préjugés.
Mais il existe donc une exception, qui est…
Laurence Anyways, c’est vraiment un film quand je l’ai découvert où je me suis dit « Tiens, t’avais des gros préjugés sur ce film qui se trouve être plus intéressant que tu ne l’imaginais. »
8) Le film dont vos amis disent « tu regardes ça, toi ? ».
Il y en a plein. Il y avait un film de Michaël Youn, très drôle, très réussi, qui se passait dans le milieu du rap, Fatal. Je l’ai fait voir à tout le monde. Ils étaient très surpris.
9) Le film que vous n’avez jamais rendu à son propriétaire… d’ailleurs, il peut toujours courir pour le récupérer.
Les films que Diastème veut absolument que je vois, comme Les Copains d’abord de Lawrence Kasdan, où des amis se retrouvent après la mort d’un des leurs.
10) Le film qui vous fait voyager et qui vous a décidé à aller dans les lieux décrits.
Je n’ai pas fait beaucoup de pèlerinages cinématographiques, mais je l’ai fait à Rochefort pour Les Demoiselles de Rochefort. Je ne suis pas allé bien loin, de la Bretagne à Rochefort, c’est dire si je suis un grand voyageur.
11) Le film qui vous enracine.
J’aime beaucoup Padre Padrone par exemple des frères Taviani. Il y a quelque chose en fait qui me rappelle que je suis peut-être certainement plus paysan que citadin.
12) Le film qui devrait être remboursé par la sécurité sociale.
Un épisode de la série Friends fonctionne assez bien sur la déprime.
13) Le film qui ne vous quitte pas.
Il y en a beaucoup, vraiment. Depuis 2-3 ans c’est quand même L’Argent de Robert Bresson.
14) Le film dont vous pouvez réciter des dialogues par cœur, et pas un film de vous.
Je dirais Lola de Jacques Demy.
Une preuve ?
« J’ai comme une grande peine de vous quitter. »
15) Le film qui est votre dernier coup de cœur.
Réponse août 2014 : Le film de Sophie Letourneur, Les Coquillettes, ça m’a vraiment plu. Il fait partie de ces films qui réconfortent beaucoup pour moi. Je me dis « Tiens, quelqu’un qui ne me connait pas du tout, qui n’a pas mon âge, qui n’est pas du tout dans le même genre de cinéma que moi, fait quelque chose de très stimulant cinématographiquement ». Il y a aussi Dans la cour de Pierre Salvadori, qui m’a beaucoup plu.
Réponse décembre 2015 : Cemetery of Splendour d’Apichatpong Weerasethakul.
Réponse avril 2016 : la série Sense8 des sœurs Wachowski.
* : Christophe Honoré a été chroniqueur aux Cahiers du Cinéma et a écrit sur l’addiction à ses deux films, Trop belle pour toi et Ceux qui m’aiment prendront le train, respectivement dans les numéros 510 (février 1997) et 525 (juin1998).