Comme à son habitude, la saison des Clefs de Saint-Pierre ouvre les programmes de ses concerts de musique de chambre à un répertoire que les autres institutions musicales n’abordent que rarement. Le prochain concert, consacré au monde du quatuor à cordes, place sur le devant de la scène deux partitions qui sortent largement des sentiers battus.
La célébrité de Verdi et de Smetana dans le domaine de l’opéra a quelque peu caché les beautés de leur écriture instrumentale et notamment celles de leur musique de chambre. L’unique quatuor de Verdi et la première des partitions écrites par Smetana pour cette formation occupent cette soirée du 30 mars.
Le Quatuor Darius, qui anime ce concert, est composé de Fabien Mastrantonio et Alexandre Dalbigot, violons, Vincent Cazanave-Pin, alto et Vincent Pouchet, violoncelle. Tous sont musiciens de l’Orchestre National du Capitole et pratiquent la musique chambre avec ferveur et passion. Ils ont donc choisi de proposer à leur public deux œuvres rares et néanmoins d’une grande beauté.
L’unique Quatuor à cordes composé par Giuseppe Verdi date de l’époque de la reprise d’Aida à l’opéra de Naples au printemps de l’année 1873. La représentation étant retardée en raison de la soudaine maladie de la soprano Teresa Stolz, Verdi consacre son temps à l’écriture de sa première œuvre de musique de chambre. Le quatuor est créé deux jours après la première de l’opéra, au cours d’une audition privée organisée à son hôtel le 1er avril 1873 par Verdi, malgré la règle qu’il avait lui-même édictée selon laquelle aucune musique de sa composition ne devait être jouée chez lui. La partition est exécutée par quatre musiciens de l’orchestre du Teatro San Carlo.
Verdi a commenté son œuvre ainsi dans une lettre du 16 avril 1873 au comte Opprandino Arrivabene : « J’ai écrit un quatuor pendant mes moments de désœuvrement à Naples. Je l’ai donné un soir chez moi, sans y attacher la moindre importance et sans inviter personne en particulier. Seules les sept ou huit personnes qui viennent souvent me rendre visite étaient présentes. J’ignore s’il est beau ou laid, mais je sais que c’est un quatuor. » En dépit de cet humble commentaire, le quatuor à cordes en mi mineur fait partie des œuvres de valeur du répertoire de musique de chambre du XIXe siècle.
Le Quatuor n° 1 de Bedřich Smetana a été composé entre octobre et décembre 1876.
Le sous-titre « De ma vie » est commenté dans une lettre du musicien datant du 21 juillet 1879 : « Premier mouvement : appel du destin (thème principal) et lutte du destin. Côté partial du compositeur au niveau romantique, non seulement dans sa musique mais aussi dans la vie et en amour. Réveil des sens et des sentiments dans sa musique. Deuxième mouvement : influence de la musique de danse sur le compositeur.
Côté brillant de la vie, particulièrement lors de la jeunesse. Vie du compositeur dans le milieu aristocratique (trio en ré bémol mineur). Troisième mouvement : intenses sentiments amoureux à la rencontre de sa future femme. Lutte contre un cruel destin, achèvement final du but visé. Quatrième mouvement : réveil de la fierté nationale ! Influence de la musique nationale sur le compositeur, sa culture, jusqu’au moment d’un mi strident, symbole de ma destinée vers la surdité, résignation et espoir. » La création eut lieu le 29 mars 1879. Il fut rejoué un peu plus tard devant Franz Liszt qui fut enthousiaste.
Ces deux œuvres uniques en leur genre dans le corpus des deux compositeurs sont réunies ce soir pour mettre en lumière la richesse du quatuor à cordes, la familiarité des instruments entre eux, mais aussi leur individualité propre. Elles prennent enfin la parole et sortent de l’oubli.
Serge Chauzy
une chronique de Classic Toulouse
Saint-Pierre des Cuisines , le lundi 30 mars 2015 à 20h00
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