Ce sera pour le jeudi 30 novembre et le mardi 5 décembre, 20h 30, à l’Auditorium Saint-Pierre des Cuisines, Jean Guy Olive à la direction, avec le même programme soit, le Concerto pour violon de Jean Sibelius avec pour violon soliste Fiona Monbet, suivi de la Symphonie n°4 de Johannes Brahms.
Jean-Guy Olive est à l’origine percussionniste. Il démarre sa formation au CNR (Conservatoire National de Région) de Toulouse et obtient, entre 1994 et 1997, ses médailles d’or en solfège, contrebasse, musique de chambre, direction d’orchestre et déchiffrage, ainsi qu’un Diplôme d’Etat en direction d’ensembles à vents en 1998. Mais oui, tout ça !
Depuis Septembre 2008, il tente une nouvelle aventure musicale et confronte son talent aux quatre-vingt musiciens d’un orchestre symphonique entièrement amateur. L’expérience acquise à la tête, de l’Orchestre de Chambre de Toulouse, du Brass Band de Toulouse (qu’il a créé en 2006) et des classes d’orchestre du CNR de Toulouse, lui permet de relever ce défi avec conviction et enthousiasme. Ce chef professionnel met ainsi au service de l’Orchestre de l’Université de Toulouse – OUT – ses compétences et sa pédagogie, avec humilité et un amour de la musique qui ne peut donner à chacun qu’une envie : se surpasser.
Peut-on souligner encore que sa tentative est bien une réussite compte tenu des projets, de plus en plus nombreux, variés et ambitieux de l’orchestre tout au long de ces dernières années.
L’Orchestre de l’Université de Toulouse (OUT)
Créé en 1961, l’Orchestre de l’Université de Toulouse est une formation symphonique regroupant une centaine de musiciens amateurs et placée, depuis 2008, sous la baguette experte de Jean-Guy Olive. L’association entretient un partenariat étroit avec les Hôpitaux de Toulouse, grâce auquel l’orchestre bénéficie de conditions de répétition privilégiées, dans les salles de l’Hôtel-Dieu Saint-Jacques.
La saison musicale de l’orchestre lui permet d’aborder un programme varié. Les œuvres du grand répertoire symphonique sont mises à l’honneur lors des concerts Prestige, donnés à la fin de l’automne autour de solistes professionnels de renom, ainsi que, vers le mois de mars, dans le cadre d’une collaboration avec l’Orchestre de Chambre de Toulouse. En janvier, un concert viennois invite le public à danser valses et polkas lors d’une après-midi conviviale et gourmande. Musique sacrée et opéra ne sont pas en reste puisque les musiciens accompagnent régulièrement des chœurs. Présent dans des salles prestigieuses (la Halle aux Grains, l’Auditorium Saint-Pierre-des-Cuisines, le Phare à Tournefeuille…), l’orchestre propose par ailleurs divers concerts dans les communes de la région, toujours attaché à la diffusion auprès de tous les publics d’une musique de qualité.
Fiona Monbet, violoniste franco-irlandaise, est passée par le CNSMD de Paris dans la classe d’Alexis Galpérine.
Son duo avec le pianiste Romain Louveau a remporté le Prix de musique de chambre avec piano au Concours de l’ISA (International Summer Academy) du Conservatoire de Vienne. Elle a été invitée en résidence à l’Académie de musique de Villecroze, en septembre 2014, pour suivre les master-classes du pianiste et chef d’orchestre Ralf Gothoni.
Parallèlement à son cursus classique, Fiona mène depuis quelques années une prometteuse carrière de jazz. Son professeur Didier Lockwood qui la présente comme la meilleure violoniste de jazz au monde, l’invite à jouer sur de nombreuses scènes : Jazz in Marciac, Théâtre du Châtelet et Théâtre des Champs-Elysées. Elle enregistre dans son dernier album-hommage à Stéphane Grappelli, For Stéphane.
Elle a pu collaborer avec Marcel Azzola, Philip Catherine, Biréli Lagrène, Christian Escoudé (avec qui elle enregistre les deux disques Catalogne et Au bois de mon cœur) et Vladimir Cosma, avec qui elle est partie en tournée, accompagnée par l’Orchestre national d’Ile de France, l’Orchestre national de Belgique ainsi que l’Orchestre Philharmonique de Bucarest.
En 2011, Fiona fait nouvellement partie des Jeunes Talents du Fonds d’Action SACEM (FAS) qui lui apporte un soutien actif au développement de ses projets. Elle enregistre son premier disque O’Ceol, qui sort en février 2013 avec le label Harmonia Mundi.
Elle a travaillé sur les musiques de films de Tony Gatlif (Indignados, Geronimo) et a participé au tournage de Chant d’hiver du réalisateur Otar Iosseliani.
Quelques mots sur le Concerto pour violon op.47 en ré mineur de Jean Sibelius, œuvre en trois mouvements : Allegro moderato puis Adagio di molto et enfin Allego, ma non tanto. Il fait partie des deux sommets du concerto nordique avec l’opus 33 de Carl Nielsen. Il demeure le seul pour l’instrument, bien que son auteur ait songé à en écrire un autre, le Concerto lirico, en 1915. Sibelius n’était pas un violoniste virtuose, ce qui ne l’empêche pas en 1903 d’écrire une partition qui regorge de difficultés, de défis que les instrumentistes peuvent se plaire à défier. La partition fut achevée en 1903, un peu plus d’un an après sa Deuxième Symphonie qui reste l’une des plus connues du compositeur. La création eut lieu à Helsinki par un violoniste réputé Viktor Novacek. Sibelius en fut très mécontent, non pas de l’exécution, mais de sa propre partition. Il éprouve alors le besoin de l’épurer, d’en supprimer les détails ou les ornements qu’il juge pour certains inutiles et qui entravent la réalisation d’une structure cohérente. L’œuvre trouve finalement sa forme définitive en 1905, avec pour chef un certain Richard Strauss à la tête du Philharmonique de Berlin.
Le premier mouvement, le plus complexe et donc, qualifié de plus intéressant, comporte trois thèmes que vous pourrez vous amuser à retrouver, l’un introduit par le violon soliste, le second par l’orchestre, par violoncelles et bassons, et le troisième revient à nouveau au violon dans son registre aigu. Suivent développement et réexposition.
Le mouvement lent, le plus traditionnel, est empli de chaleur : les bois par deux en tierces, loin de paraître froids, produisent une atmosphère qui semble presque riche, en comparaison avec le mouvement lent de la Troisième Symphonie, par exemple. Si dans ce mouvement l’écriture soliste est noble et éloquente, le finale est une éblouissante démonstration de virtuosité. Outre le brillant de la partie soliste, l’allure ne faiblit jamais du tout début jusqu’à la dernière mesure. La musique emporte tout devant elle dans un élan contagieux et irrésistible.
Passons à la Symphonie n°4 en mi mineur, op.98 de Brahms, composée sur deux ans, de 1884 à 1885, relativement longue puisque d’une durée d’environ 45 minutes. Création par le compositeur à Meiningen le 25 octobre 1885. L’orchestre utilise les bois par deux, dont une flûte piccolo au troisième mouvement, et un contrebasson, quatre cors, deux trompettes, trois trombones pour le finale, timbales, triangle, et les cinq pupitres de cordes. Le grand Kurt Masur disait au sujet de cette symphonie : « Reste la Quatrième, prodigieusement complète. Tout y est miraculeux. Même pas d’introduction, car le tout premier thème aux cordes semble tomber du ciel. Quant à la passacaille du dernier mouvement, elle témoigne de sa connaissance de la musique ancienne. La forme en est si parfaite qu’il me semble impossible que Brahms ait pu écrire une cinquième symphonie après. »
Dans un texte du 24 février 1931, le compositeur Arnold Schœnberg soulignait ce qu’il devait à ses devanciers, énumérant en particulier les apports de, Bach, Mozart, Beethoven, Wagner et …Brahms. De ceux de ce dernier, il écrivait : « Le sens de la logique, le sens de l’économie, la puissance d’invention qui ont su créer de telles mélodies où tout coule de source, justifient l’admiration de tout musicien amoureux de son art, de tout musicien qui attend mieux de la musique qu’un peu de douceur. »
Quant à un certain Sir Donald Tovey, remarquable analyste du début du XXè, grand ami de Joseph Joachim, le violoniste virtuose, ami de Brahms, il écrivait : « Tout mélomane reconnaîtra immanquablement dès la première phrase, longue et calme, de la Quatrième, le début d’une grande œuvre tragique. » Il est vrai que peu de symphonies donnent dès le départ, avec autant de détermination, le sentiment d’un voyage tragique, et aucune n’accomplit ce voyage avec tant de détermination, s’acharnant dans une tonalité presque toujours en mineur. Qui dit tragédie, dit tragédie grecque et fait penser à Eschyle, Sophocle, Euripide…. Si, sur le plan musical, notre symphonie ne présente ni récit, ni intrigue, pas de fil conducteur, pas de trame, l’écouter intensément devrait nous ramener d’une façon ou d’une autre à la tragédie antique. Alors, ne nous privons pas de citer la philosophe américaine Susan Langer, dans son livre Feeling and Form : « La destinée tragique est ce qu’apporte l’homme, et ce que le monde exigera de lui. C’est son sort. Ce qu’il apporte est sa potentialité, ses capacités mentales, morales et même physiques d’agir et de souffrir. L’action tragique est la réalisation de toutes se possibilités qu’il déploie et épuise au cours du drame. Par conséquent, la destinée conçue comme sort est, non pas capricieuse comme la fortune, mais prédéterminée. Les événements extérieurs ne sont que les circonstances de sa réalisation. » Si vous vous plongez intensément dans l’écoute de cette symphonie en mi mineur, peut-être y retrouverez-vous le condensé de ces quelques phrases qui peuvent paraître définitives. Votre environnement vous fournira, qui sait, quelques illustrations.
Ce n’est pas notre Maître qui aurait pu pousser l’analyse aussi loin. On est rarement son propre psychanalyste. Mais, l’œuvre terminée, il préviendra lui-même qu’on risquait de trouver cette Quatrième excessivement sévère : « Elle a le goût du climat des environs. Les cerises sont à peine sucrées, ici. On en mangerait pour rien au monde. » Mais, au fait, où sommes-nous donc ? Délaissant Ischl et tous ses estivants qui l’attendent avec impatience, mais aussi ce lieu où il pleut un peu trop au goût de notre cher compositeur, il choisit, en Styrie – n’oubliez pas le t – Mürzzuschlag pour l’été 1884. Durant ce dernier, seules, véritablement, verront le jour des œuvres vocales, des lieder, des quatuors vocaux, encore des lieder et romances pour chœur à quatre voix, ou “a cappella“, et même une chanson à boire : “dank der damen“ ou “Merci des Dames“, et encore des lieder tels que le sublime : “der Tod, das ist die kühle nacht“ soit, “La mort, c’est la fraîche nuit, la vie, c’est le jour accablant…“
Ayant ainsi chanté tout l’été, c’est l’hiver, à Vienne, les bistrots enfumés, le café Prater, le Hérisson rouge, sa taverne préférée et les grandes marches solitaires, puis ce sera le retour pour l’été 1885 à Mürzzuschlag, en face du paysage montagneux du Semmering, déjà réputé pour le ski, mais oui. Brahms passe des journées paisibles sauf une de ces fins de journée justement au cours de laquelle, il verra son amie Frau Tellinger sortir en courant de sa maison en flammes, les bras chargés de paperasses. Ce sont tout simplement les manuscrits de la Quatrième, ainsi sauvés. La première description de cette dernière, il la fait à Hans von Bülow, ce compositeur et surtout chef d’orchestre de génie qui lui est complètement dévoué. Celui-ci était plus proche de Wagner mais ce dernier lui a disons “soufflé“ son épouse, une certaine Cosima, fille de Liszt. Profonde rancœur, c’est sûr, avec pour résultat, un musicien dévoué corps et âme à Brahms.
Les correspondances à l’époque sont riches de messages, on le sait. Ne lui écrit-il pas : « Tout coup dirigé contre toi me fait l’effet d’un coup de poignard dans le cœur. Oui ! Vois-tu, si Frau et Herr Herzogenberg … t’admirent peut-être plus intelligemment que moi, ils ne peuvent te porter une affection plus vive que la mienne…ne me gronde pas pour ma présomption : mettre en évidence le feu latent de tes compositions est la tâche préférée de…ta fidèle “baguette“. » Assurément, le personnage sait être particulièrement expansif. L’œuvre achevée, Bülow la qualifiera de “gigantesque“, “profondément originale“, “dégageant de A à Z une énergie incomparable“. Nous sommes à Meiningen. Brahms va faire répéter “méticuleusement et commodément“ son ouvrage. Et le 25 octobre 1885, il réussira pour la première représentation à entraîner un orchestre parfaitement préparé dans une magnifique exécution. Richard Strauss, présent car à vingt-un ans, attaché à l’orchestre de la cour de Meiningen, fortement impressionné, dira de l’andante, qu’il lui rappelait une procession funéraire se déplaçant silencieusement dans des collines éclairées par la lune.
Maintenant, vous pourrez partir aussi à la recherche dans le Finale, de quelques éléments propres à la Chaconne de la Cantate 150 d’un certain Jean-Sébastien Bach. Pas moins de trente-cinq variations vous attendent. Sans oublier que l’Andante moderato constitue d’après certains, le mouvement lent le plus original et le plus inspiré de toute la littérature symphonique, mais aussi un de ceux dont l’organisation est la plus rigoureuse et la plus complexe et donc d’une extrême difficulté d’analyse. Au bilan, un morceau mélancolique, noble et digne, plein de tendresse, avec un caractère mystérieux et légendaire évoquant la ballade. Dans le troisième mouvement, Brahms ajoute une flûte piccolo, le contrebasson, une troisième timbale et le triangle. C’est un épisode giocoso, c’est de la gaieté à la Brueghel, une grande joie turbulente tournée plutôt vers le ricanement sarcastique et fantastique. Quant au Finale, il est noté, allegro energico e passionato, più allegro, rayonnant d’héroïsme, véritable culmination du pèlerinage spirituel.
Michel Grialou
Orchestre de l’Université de Toulouse
Jean-Guy Olive (direction) – Fiona Monbet (violon soliste)
jeudi 30 novembre et mardi 05 décembre 2017 à 20h30
Auditorium Saint-Pierre des Cuisines
Fiona Monbet © Jean-Baptiste Millot