Le musée de Saint-Gaudens propose jusqu’au 31 décembre une exposition sur l’Espagne vue par Jean Dieuzaide et son fils Michel. Une belle idée de balade dans un lieu qui mérite le détour. Et un succès qui a permis au lieu de doubler sa fréquentation depuis l’été.

Exposition avec vue sur les Pyrénées. Photo JMLS
L’appellation est un peu longue, à savoir musée Arts & figures des Pyrénées-Centrales. Mais le bâtiment, situé boulevard Jean-Bepmale, sur une jolie place, à Saint-Gaudens, et restauré il y a quelques années, est un écrin parfait pour l’exposition des Dieuzaide père et fils. Une fois découvertes les porcelaines du cru et les tableaux d’un peintre local, André Rixens, on quitte le XIXe siècle pour le XXe et le rez-de-chaussée pour le premier étage, baigné ce jour-là par une chaude lumière, sudiste à souhait.
Les portraits de Jean Dieuzaide, réalisés pour la plupart dans les années 1950, captent immédiatement notre attention, qu’il s’agisse d’un jeune vendeur de paniers sur un marché, d’un tandem de carabiniers au visage fermé, d’un autre duo, dont l’air canaille contraste avec les images pieuses vendues sur le trottoir, d’un paysan à béret aussi rugueux que le bois sur lequel il s’appuie ou d’un autre papy, à casquette celui-ci, se saisissant de sa clope. Toute une Espagne disparue, dont on perçoit aisément la rudesse du quotidien.

L’Espagne qui danse, par Jean et Michel Dieuzaide.
Michel Dieuzaide, lui, documente sa passion pour le flamenco auprès de chanteuses, danseuses et musiciens qu’il vénère. « Etre flamenco, c’est une manière d’être, écrit le photographe. Une manière téméraire de traverser la rue et la vie (…) Etre flamenco, c’est ne pas être assis (…) C’est vivre près du noir. C’est savoir dire la sueur, les rires et les larmes. » Quand il s’éloigne du documentaire vers plus de formalisme, Michel Dieuzaide nous impressionne avec une femme, à contre-jour, traversant une large place, ou un simple poteau dont l’ombre se reflète sur un mur blanc. Le genre d’images propres à stimuler notre imaginaire…

La « Gitane » de Jean Dieuzaide donne accès à un laboratoire reconstitué. Photo JMLS
L’exposition sur l’Espagne réussit une fructueuse confrontation entre deux regards, à plusieurs décennies de distance. La scénographie est simple mais éclairante, agrémentée d’une belle idée, celle d’un « laboratoire » (avec agrandisseur et bacs pour bains de tirage) dont le rideau à lamelles est orné d’une photo géante de la fameuse « Gitane de Sacromonte », de Jean Dieuzaide (1951). Dans un cartel, le photographe raconte que cette rencontre avec une femme donnant le sein à son bébé, à Grenade, fut comme « un éclair ». Quant à l’ami Robert Doisneau, il évoque une photographie qui « donne le courage de vivre » et devant laquelle « nous nous sentons éclaboussés d’allégresse ». Une belle formule, comme le Parisien savait si bien en trousser, qui colle parfaitement à l’exposition de Saint-Gaudens.
« L’Espagne des Dieuzaide », jusqu’au 31 décembre au Musée de Saint-Gaudens. Entrée libre.

