Après un été bien morne en matière d’offre cinématographique, les programmateurs se réveillent enfin, piochant, comme d’habitude, dans les films cannois pour stimuler enfin l’intérêt des spectateurs. « Valeur sentimentale », de Joachim Trier, est déjà un beau succès. Et les salles art et essai attendent avec impatience la sortie de la Palme d’or, « Un simple accident », de Jafar Panahi, le 1er octobre. D’ici là, c’est « Sirât », d’Oliver Laxe, prix du jury au dernier Festival de Cannes, consacré aux adeptes des rave parties, qui devrait créer la sensation, cette semaine. Qu’on aime ou pas le film, qui suit le périple d’un père dans le sud marocain à la recherche de sa fille disparue, il est indéniable qu’il procure des sensations fortes, visuelles et auditives (prévoir les bouchons d’oreilles!)

Sergi Lopez et une bande d’éclopés de la vie. Photo Pyramide
« Fait péter le son ! », lance une jeune femme à un copain qui tourne le potentiomètre. Vœu exaucé au-delà de tout ce qu’elle escomptait dans une des scènes chocs de « Sirât », mot qui signifie la frontière très étroite entre le paradis et l’enfer. Pour les adeptes de rave parties, le Nirvana se situe au plus près des enceintes, dans une extase qui doit beaucoup aux basses énormes et aux produits stupéfiants. Oliver Laxe, metteur en scène espagnol élevé en France nous avait impressionné avec les scènes d’incendies dans « Viendra le feu », qui avait obtenu le prix du jury Un certain regard, à Cannes, en 2019. Il nous immerge de la même manière dans l’ambiance électro régnant lors des fêtes extrêmes dédiées à la transe. Dès le début, le son bastonne, jusqu’à faire vibrer les sièges et souffrir nos oreilles. Un homme (Sergi Lopez, qu’on est heureux de retrouver dans un rôle important) se fraye un chemin au milieu des « teufeurs » bien allumés.
Images fortes et facilités dramatiques
Il est à la recherche de sa fille aînée, qui n’a pas donné de nouvelles depuis plusieurs mois. Son jeune fils l’accompagne dans une quête qui paraît désespérée. Après le Maroc, direction la Mauritanie, dans un désert qui se conquiert difficilement. Les pistes sont peu praticables, le vent souffle terriblement, la poussière coupe la respiration. Oliver Laxe colle aux basques d’une bande qui semble tout droit sortie de « Mad Max », réunion hétéroclite d’éclopés de la vie – et d’éclopés tout court. Dans un voyage se transformant peu à peu en cauchemar. Co-produit par les frères Almodovar, « Sirât » impressionne par son casting ahurissant, sa mise en scène bousculée par les éléments en furie et son sens de l’image forte (qu’elles sont belles ces lumières des véhicules roulant dans la nuit au milieu de nulle part). Mais Oliver Laxe, également coscénariste, idéalise à l’excès cette « famille » de marginaux revenus de tout et abuse de ressorts dramatiques à même de nous clouer au fauteuil. Dans une sombre odyssée laissant si peu de place à l’espoir…
« Sirât », d’Oliver Laxe, au cinéma mercredi 10 septembre.