En 2001, le rappeur de New York n’a plus grand-chose a prouver au grand public lors de la sortie de the blueprint. Dans le rap game depuis 5 ans, l’ancien dealer de crack s’est rapidement imposé dans l’industrie, et fut vite considéré comme un « all-around player » : un artiste touche-à-tout. Acclamé par les médias et très respecté par les amateurs de hip-hop, Shawn Carter de son vrai nom s’apprête à sortir un album ayant un impact monumental sur le futur du genre. Entre remise en avant d’anciennes sonorités, tremplin pour des producteurs et textes impactant, The blueprint est un album ayant marqué la carrière de l’artiste, et l’histoire du hip-hop.

Couverture de l’album The Blue Print – Crédit : Flickr
The blueprint est le chef d ‘œuvre de Jay-Z. Avec du recul sur l’époque, sa simple date de sortie prédestinait l’album à marquer l’histoire. Le projet sort le même jour que le tragique événement de l’attaque terroriste des Etats-Unis, le 11 septembre 2001 (il en fera d’ailleurs une punchline dans un morceau par la suite.). Malgré cela, The Blueprint s’est vendu à plus de 420 000 exemplaires en une semaine. Ce chiffre démontre la puissance et l’impact commercial de JAY, même en temps de crise, mais a également joué pour la puissance commerciale de son label, Roc-A-Fella records, qui devient par la suite l’un des label dominant. Ces premières ventes permettent aussi à Jigga de devenir un modèle de rappeur-entrepreneur, visionnaire dans sa gestion d’image, de son équipe et de son héritage.
L’époque est également particulière pour le rappeur. Suite à la mort de the notorious big 4 ans plus tôt (considéré comme le roi du rap de NYC), la place est à prendre, et Shawn en est bien conscient. Les concurrents étaient nombreux, mais les deux principaux prétendants au titre étaient NAS et JAY-Z. Ces deux rappeurs étaient d’ailleurs en clash pendant la sortie de l’album, et le morceau « Takeover » en fait directement référence. Cette bataille mythique entre les deux concurrents du trône, partant directement de l’album, redonné de l’importance à l’écriture, attiré l’attention des médias généralistes et montré que le rap pouvait être compétitif sans violence physique, mais avec l’intelligence et la plume. Suite à ce projet, JAY-Z s’est imposé comme héritier du trône de New York, de par l’aspect qualitatif de l’album. Avec des textes et punchlines impactant, des prises de front de ses rivaux et sa capacité a prouver qu’il est capable de faire du rap de rue, introspectif, commercial et critique. JAY-Z était déjà bien implanté dans l’industrie, mais cet album l’a fait rentrer dans la légende de la musique new-yorkaise.

Crédit : Wikimedia Commons
Une équipe de reve minimaliste
The blueprint marque un retour important de certaines sonorités, qui seront par la suite essentielles dans une instrumentale rap : les variantes de soul. Avant la sortie de l’album, le hip-hop était essentiellement dominé par les sons très synthétiques, comme ceux de Dr. Dre, Timbaland ou Neptunes par exemple. Le projet réintroduit des samples de soul vintage (avec Marvin Gaye, Bobby Bland ou les Jackson 5) et une production chaleureuse et organique, presque mélancolique. Le plus surprenant dans tout ça, c’est que ce certain « retour aux sources » a été réalisé et imaginé par une petite équipe de 5 personnes. Ainsi, Jay Z, accompagné de son producteur principal Kanye West, de son ingénieur Just Blaze, de son autre producteur Bink!, et de son mixeur Young Guru prouve que la qualité vient souvent de la clarté artistique et de la cohésion humaine, pas de la multiplication des noms sur une tracklist.

Jay-Z et Kanye West – source : Flickr
Avec The Blueprint, Jay-Z ne s’est pas contenté de sortir un excellent album : il a redéfini les standards artistiques et culturels du hip-hop au début des années 2000. En s’entourant d’une équipe réduite mais visionnaire, il a su imposer un son soulful et cohérent, rompant avec l’esthétique clinquante de l’époque. L’écriture de Jay-Z, à la fois introspective, technique et incisive, y atteint une maturité rare, soutenue par un flow fluide, maîtrisé et toujours en adéquation avec la production. L’album, construit en deux semaines à peine, résonne encore aujourd’hui comme un modèle d’unité artistique et d’efficacité créative. Mais The Blueprint est plus qu’un sommet personnel : il a servi de tremplin à Kanye West, ravivé l’art du clash avec “Takeover”, et repositionné New York au centre de la carte du rap. Sa sortie, le 11 septembre 2001, lui confère en plus une charge symbolique inattendue : celle d’une œuvre intemporelle née au cœur du chaos. Plus de deux décennies plus tard, The Blueprint reste une référence incontournable, un jalon à la fois technique, émotionnel et historique dans l’évolution du hip-hop.