Chaque mercredi, on rend hommage à un grand classique du cinéma. A voir ou à revoir.
Les Oiseaux d’Alfred Hitchcock
Avec ce film sorti trois ans après Psychose, Alfred Hitchcock prolonge sa veine horrifique et signe un nouveau chef-d’œuvre qui marqua les esprits. Les Oiseaux débute de façon badine sur le ton du marivaudage avec la rencontre entre les deux personnages principaux, Melanie Daniels (Tippi Hedren) et Mitch Brenner (Rod Taylor), chez un marchand d’oiseaux de San Francisco. Le souhait émis par l’avocat d’acheter un couple d’inséparables pour l’anniversaire de sa petite sœur offre l’occasion à la jeune femme de se rendre à Bodega Bay, bourgade côtière de Californie, où Brenner a rejoint sa mère et sa sœur. Là-bas, des attaques de plus en plus violentes menées par diverses sortes d’oiseaux vont se succéder…
Adapté d’une nouvelle de Daphné du Maurier, Les Oiseaux est une époustouflante leçon de cinéma délivrée par le « maître du suspense ». Le scénario, magistralement construit, fait subtilement monter la tension, joue sur la frustration et l’attente du spectateur pour mieux le surprendre à travers des scènes entrées dans l’histoire du cinéma, comme celle de l’attaque de l’école, qui illustrent l’art du montage et du cadrage du réalisateur de Sueurs froides.
Audace et radicalité
Au-delà du pur spectacle et de la tension, Les Oiseaux vaut aussi pour son arrière-plan, ses motifs secondaires. Ainsi, le danger représenté par les volatiles – dont l’origine des attaques demeure inexpliquée – est une métaphore de la menace nucléaire et de l’apocalypse. En pleine Guerre froide, le cinéma ne cesse alors de l’illustrer de façon directe (par exemple avec Docteur Folamour de Kubrick et Point limite de Lumet sortis en 1964) ou indirecte (Le Silence de Bergman sorti en 1963). Comme souvent chez Hitchcock, la sexualité est au cœur du propos. La relation naissante entre Melanie et Mitch croise la présence de l’ex-petite amie du jeune homme et surtout de sa mère possessive, jalouse, castratrice, dont la ressemblance physique avec Melanie n’est évidemment pas un hasard. Œdipe, rivalité mimétique, viol, quête de bouc émissaire, peur primitive : derrière le divertissement, le cinéaste pimente le film de certains de ses thèmes récurrents.
Si certains effets spéciaux et trucages ont bien sûr un peu vieilli à l’ère des possibilités offertes désormais par le numérique, Les Oiseaux demeure une œuvre saisissante par ses audaces et sa radicalité. Tippi Hedren – quintessence de la « blonde hitchcockienne » – fait ici ses débuts au cinéma. Hitchcock la dirigera à nouveau l’année suivante dans Pas de printemps pour Marnie, ultime grande réussite du réalisateur, face à Sean Connery.
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