Pour son exposition d’été, le Château d’Eau hors-les-murs a décidé d’inviter Anaïs Tondeur, photographe dont le travail se focalise sur la nature brutalisée par l’homme. Une exposition à la fois angoissante et très belle.

Une « Fleur de feu » née près du Vésuve. Photo Anaïs Tondeur
Sous le titre « Ce que les yeux ne saisissent », l’exposition d’Anaïs Tondeur dans l’ancien musée de l’Affiche, à Toulouse, réunit trois séries réalisées ces quatorze dernières années: « Noir de carbonne », « Fleur de feux » et « Tchernobyl Herbarium ». La première reconstitue le voyage dans les airs de particules fines, émises par l’industrie pétrolière dans le port de Folkestone, en Angleterre, jusqu’à l’île perdue de Fair, en Ecosse. Cette pollution, invisible à l’œil nu (d’où le nom de l’exposition) mais présente et nocive, a parcouru 1300 km, sans crier gare, portée par le vent et les nuages. Nuages qu’Anaïs Tondeur photographie dans un registre charbonneux à la fois inquiétant et esthétiquement fascinant. Impression renforcée, sur de grands tirages, par l’utilisation de résidus de ce « noir de carbonne ».

Une partie de la série « Tchernobyl herbarium ». Photos Anaïs Tondeur
Aidée comme sur chacun de ses projets par des scientifiques, Anaïs Tondeur est allée « cueillir » ses « Fleurs de feux » dans les anciennes décharges illégales proches du Vésuve, en Italie. On y découvre des valérianes, urticas ou eucalyptus séchées et translucides, accompagnées de textes en anglais rendus illisibles par une vitre en plastique, comme un trouble supplémentaire à cette étrange exploration. La série « Tchernobyl herbarium » porte une appellation explicite. Collectées dans la zone interdite entourant la centrale nucléaire ukrainienne, des plantes ont laissé leur empreinte, directement, sur des plaques photosensibles. Dans un champ de ruines, ces « squelettes » d’une vie étouffée semblent avoir conservé une vigueur, un élan vital étonnants. Et là encore, Anaïs Tondeur en magnifie la survivance par des tirages sépia et des encadrements biseautés en bois clair. Dans une exposition qui donne à voir et à réfléchir – notamment avec des textes du philosophe Michael Marder – sur tout le mal que l’homme inflige à la planète Terre.
Exposition « Ce que les yeux ne saisissent », d’Anaïs Tondeur, jusqu’au 31 août à la galerie du Château d’Eau (58, allées Charles-de-Fitte), Toulouse. Ouvert du mardi au dimanche de 11 heures à 18 heures. Tarifs : 2 et 3 euros. Tél.05 34 24 52 35. Balade photographique mercredi 18 juin à 10h30 (gratuit, inscription obligatoire sur www.chateaudeau.toulouse.fr). Visite contée familiale mercredi 9 juillet à 15 heures.