La Cache, un film de Lionel Baier
Ce n’est pas le dernier film en salle avec Michel Blanc, mais c’est l’ultime qu’il aura tourné. Jamais Lionel Baier, le réalisateur, n’aurait imaginé porter une telle responsabilité et une pareille charge émotionnelle. Par chance ce film est une magnifique réussite chorale et un rôle, pour l’éternel Jean-Claude Dusse, de passeur d’expérience et de transmetteur de mémoire.

La famille Boltanski au balcon – Crédit : Les Films du Losange
Mai 68, à Paris. La famille Boltanski vit ces heures sombres pleines d’espérance cloitrée dans son appartement de la rue de Grenelle. En fait, elle vit là depuis longtemps et n’en sort jamais, sauf nécessité absolue. Le scénario, librement adapté du livre éponyme de Christophe Boltanski (Prix Femina 2015) ne retient qu’un court passage de ce roman biographique. Mais il suffit à nous présenter cette famille juive. Il y a Mère-Grand, Myriam en réalité, atteinte de poliomyélite, auteur de romans sociologiques. C’est elle qui rattache cette famille à sa judéité. Dominique Reymond, comme à son habitude, infernale de précision dans un jeu demandant une extraordinaire retenue. Et puis il y a Père-Grand, civilement Etienne, médecin juif converti au catholicisme, n’ayant échappé aux rafles de l’Occupation que grâce à la fameuse cache dissimulée dans cet appartement. C’est Michel Blanc. Que dire qui échappe à l’émotion sinon qu’encore une fois, et dans un rôle ici sans extravagances ostentatoires, il est parfaitement juste. Dans la famille Boltanski, demandez à présent le Grand-Oncle, Jean Elie en réalité. Il est linguiste, cinéphile et l’admiration inconditionnelle de Christophe. William Lebghil toujours aussi épatant. Demandez aussi Petit-Oncle, alias Christian, artiste plasticien mondialement célèbre aujourd’hui. C’est Aurélien Gabrielli. N’oublions pas, et comment pourrions-nous d’ailleurs, Arrière-Pays, en vérité Niania, c’est l’aïeule de cette famille. Fille d’un marchand de raisins de Corinthe en Russie, un pays qu’elle fuit lorsqu’elle a 16 ans pour rejoindre l’amour de sa vie, David Boltanski. Dans sa chambre surchargée de souvenirs et de vieilles tentures, elle trône, impériale. Comment imaginer meilleure interprète que Liliane Rovère ?
Tout ce petit monde vit cloîtré et, de mai 68, il n’en connaîtra que les bruits. Ce qui l’amènera à se souvenir de jours plus périlleux pendant lesquels les Allemands arpentaient la ville à la poursuite des Juifs.
Ce film, comme le livre dont il s’inspire, est un condensé de névroses, de résilience aussi et surtout de courage. Tout en évoquant la shoah, l’écriture en reste paradoxalement et génialement légère, teintée d’un humour irrésistible. Un sommet de virtuosité !