Chaque mercredi, on rend hommage à un grand classique du cinéma. A voir ou à revoir.
Un homme et une femme de Claude Lelouch
Rarement un film aura été autant identifié à l’un de ses thèmes musicaux qu’Un homme et une femme (« Chabadabada… »), mais l’aura de l’œuvre de Claude Lelouch dépasse largement sa musique signée par Pierre Barouh (également acteur ici) et Francis Lai. La Palme d’or à Cannes en 1966, l’Oscar du meilleur film étranger et l’Oscar du meilleur scénario en 1967, le Golden Globe du meilleur film étranger et le Golden Globe de la meilleure actrice pour Anouk Aimée la même année, ainsi que des dizaines d’autres récompenses, couronnèrent ainsi l’histoire d’amour immortalisée par la caméra du cinéaste. Souvent sous-estimé, voire carrément méprisé, en France, le cinéma de Lelouch – jugé kitsch, grandiloquent, gorgé d’effets superflus par ses détracteurs – a pourtant séduit nombre de cinéphiles et de cinéastes (Stanley Kubrick citait La Bonne Année comme l’un de ses films préférés).
Et voir ou revoir Un homme et une femme plus de cinquante ans après sa sortie confirme l’extraordinaire talent de Lelouch, également coscénariste et directeur de la photographie sur ce long-métrage. Anne et Jean-Louis se rencontrent à Deauville un dimanche alors qu’ils raccompagnent leur enfant respectif dans le même pensionnat. Tous deux veufs, la scripte de cinéma et le pilote automobile vont se revoir et s’aimer…
Etat de grâce
De ce point de départ extrêmement basique, Lelouch tire un flamboyant et émouvant film sur une histoire d’amour naviguant entre la comédie romantique et le mélodrame. Tourné à la fois en noir et blanc et en couleurs, Un homme et une femme impressionne par ses audaces, autant formelles que narratives. Ellipses et flashbacks dynamitent le récit. Les ruptures de ton (par exemple la dimension documentaire des séquences de courses automobile ou la scène de quasi comédie musicale lorsque Pierre Barouh chante Samba Saravah) ne rompent jamais la cohérence de l’ensemble. Faussement décousu, le film offre à ses interprètes (magnifiques Jean-Louis Trintignant et Anouk Aimée) leurs parts d’improvisation tandis que l’amour du cinéaste pour ses comédiens habite chaque image.
Une liberté folle circule entre les plans. Lelouch filme comme il respire, s’amuse, digresse, enchaîne des travellings et des panoramiques d’anthologie. L’artifice et le naturel se marient à merveille. La poésie s’invite. La caméra tournoie autour des amoureux. Impossible après cela d’oublier les plages de Deauville et l’hôtel Normandy. Deux suites (Un homme et une femme : Vingt ans déjà en 1986 et le touchant Les Plus Belles Années d’une vie en 2019) n’atteindront pas l’état de grâce de ce coup de maître.
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