CRITIQUE, concert, TOULOUSE. Halle-aux-grains, le 27 février 2025.DEBUSSY/BLOCH/MAHLER. Sol Gabetta (violoncelle), ONCT, Tarmo Peltokovski (direction).
Une tournée triomphale annoncée
Tarmo Peltokovski et son Orchestre national du Capitole de Toulouse ont présenté ce soir au public le programme qu’ils vont bientôt jouer en tournée à Paris et en Allemagne.
Le Prélude à l’après-midi d’un Faune de Claude Debussy est une courte pièce magique que l’orchestre du Capitole pourrait jouer les yeux fermés. Tant de belles baguettes l’ont dirigé dans cette salle, Michel Plasson et Tugan Sokhiev tout particulièrement. Ce soir Tarmo Peltokovski impose sa marque. Il donne beaucoup de liberté à l’orchestre tout en lui demandant des nuances très piano. Cette version est aérienne, subtilement rêveuse. Tarmo Peltokovski évite toute force et toute idée de bacchanale. La beauté orchestrale, la tendresse des nuances, la souplesse de la texture donnent un coté vaporeux qui fait penser à certaines toiles impressionnistes.
Sol Gabetta entre en scène pour la deuxième œuvre au programme. La Rhapsodie Schelomo d’Ernest Bloch permet à la violoncelliste originaire d’Argentine un jeu d’une subtile émotion. Tout particulièrement dans les moments de grande mélancolie évoquant les pensées profondes du Roi Salomon. Les sonorités chaleureuses du violoncelle entretiennent avec l ‘orchestre un dialogue d’une parfaite osmose. Tarmo Peltokovski soigne les ambiances, fait éclater les couleurs, il est toujours très attentif à la soliste. Les instrumentistes de l’orchestre sont tous magnifiques. Le final grandiose sonne comme une apothéose rappelant le Grand Roi que fut Salomon avant de reprendre les pensées très sombres du monarque portées par le violoncelle très émouvant de Sol Gabetta.
Devant le succès l’orchestre et la soliste offrent un bis douloureusement mélancolique : une prière d’ Ernest Bloch dans sa version pour violoncelle et orchestre. Sol Gabetta trouve un vibrato large et une profondeur de ton admirable. La fine musicalité de la soliste, du chef et des musiciens de l’orchestre permet une fusion parfaite. Assurément un beau lien existe déjà que la tournée va encore renforcer.
En deuxième partie de programme l’orchestre s’étoffe pour interpréter la symphonie Titan de Mahler. Tarmo Peltokovski et son Orchestre du Capitole ont déjà joué cette œuvre au Concertgebouw d’Amsterdam avec grand succès, ils semblaient ravis de la présenter à leur public toulousain. Là également les choix de Tarmo Peltokovski sont assumés et sa manière est très personnelle. Loin de chercher à révéler l’hétérogénéité de la partition il cherche partout la beauté, l’élégance et le bonheur qu’elle contient. Sa direction très engagée entretient un dialogue constamment renouvelé avec les musiciens. Que ce soient les cuivres, les bois, les cordes ou les percussions chaque musicien donne le meilleur possible et le résultat est renversant. Les mouvements les plus réussis sont le premier et le dernier. Ceux qui correspondent exactement à la direction de Tarmo Peltokovski. La beauté du réveil de la nature est somptueuse. L‘ énergie du final est d’une puissance vertigineuse. L‘humour du deuxième mouvement aurait pu être davantage joué. C’est avec une énergie toujours renouvelée que Tarmo Peltokovski donne une grande puissance à ce mouvement. Pour le troisième mouvement l’absence de grotesque laisse de coté une part de l’art mahlérien certes encore balbutiante dans sa première symphonie mais bien présente. La beauté de chaque intervention instrumentale est appréciable, de même que les phrasés élégants et les nuances subtiles. Cela donne un caractère particulièrement juvénile à ce mouvement, d’autant que de très nombreux jeunes musiciens sont présents ce soir sur scène.
La grandeur du final fait exulter le public. Une Halle-aux-grains pleine à craquer qui applaudit à tout rompre signe toujours un grand moment.
Ce concert évènement annonce une belle aventure entre ce chef si charismatique et l’excellent Orchestre du Capitole de Toulouse.
Hubert Stoecklin
Photos : Alcaraz