Aujourd’hui, l’association « Les Grands Interprètes » finalise la programmation de sa 40ème édition, un jalon important dans son histoire. Quatre décennies de passion, de créativité et d’engagement au service de la culture et du public.
Depuis sa fondation en 1985, cette association a su rassembler des artistes, des entreprises et un public autour d’une même passion : la musique.
Ces 40 années ont été marquées par des moments inoubliables, des rencontres enrichissantes et des projets ambitieux.
Rencontre avec Catherine d’Argoubet, co-fondatrice et chargée de mission et Nathalie Coffignal, responsable du développement du mécénat et des partenariats.

Concert du Bach Collegium Japan – janvier 2025
Culture 31 : Vous allez fêter cette année votre quarantième saison. La saison des Grands Interprètes est devenue une institution à Toulouse. Comment est née votre association ?
Catherine d’Argoubet : Elle est née de notre passion commune pour la musique et de la volonté de Thierry d’Argoubet d’inscrire une série de concerts à Toulouse en invitant de Grands Interprètes, des artistes en récital, musique de chambre ou formations symphoniques.
Existe-t-il des structures similaires dans d’autres villes ou d’autres pays ?
Non, il n’y a pas d’équivalent. D’ailleurs, si l’on regarde la programmation de Grands Interprètes par rapport à d’autres saisons musicales, en France, il n’y a rien d’approchant. De grands artistes pointent parfois sur leurs agendas Toulouse comme seule date française depuis de nombreuses années. Il faut souligner que nous disposons pour les recevoir d’une salle magnifique et atypique : la Halle aux grains. Avec ses qualités et ses défauts, elle permet d’accueillir plus de 2000 personnes.
Quelle est votre structure de fonctionnement ?
C’est une association comprenant six salariés. Depuis le mois d’octobre dernier Sandra Rossi en est l’administratrice et l’association est présidée par Benoit Moulas, un chef d’entreprise qui nous a rejoint au mois de juin 2024. Il est à la tête de la COMAT, une société toulousaine spécialisée dans la conception et la fourniture d’équipements spatiaux innovants.
Quel est votre process de programmation artistique ?
C’est évidemment le point de départ. Elle est assurée par Thierry d’Argoubet qui a travaillé toute sa vie dans le monde musical.
Dès les débuts de Grands interprètes la programmation de chaque édition rejoint les attendus d’une série de concerts internationale.
Depuis quelques années, le jazz a fait son apparition dans vos programmes. Cette saison 3 soirées sur 17 y sont consacrées.
Effectivement, cette saison 3 concerts de jazz ont été programmés.
Notre rencontre avec Kurt Masur à la tête du National de France nous a permis il y a quelques années d’inviter Wynton Marsalis pour la création de son oratorio : All Rise. Point de départ pour nous d’invitations de grands musiciens de jazz : Herbie Hancock, Chick Corea, Brad Mehldau …
Nous avons eu par le passé plusieurs saisons de musique ouvertes sur le monde avec différentes esthétiques musicales. Nous l’avons arrêtée car elle nécessitait une régie technique trop importante.

Concert de Kenny Barron Trio
Je crois que c’était une première mais cette saison également la danse a fait son apparition avec Mourad Merzouki.
Effectivement et ceci grâce à Julien Chauvin et son Concert de la Loge. Il aime beaucoup croiser les genres afin d’aller à la rencontre de nouveaux publics. Ce fut une soirée totalement jubilatoire. Ni danse, ni concert mais un projet original et merveilleux.
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Vous avez créé un Cercle de mécènes qui englobe j’imagine vos partenaires également, grandes entreprises, PME et TPE. Vous n’avez pas de mécènes personnes physiques ?
Les personnes physiques sont regroupées dans un Cercle particulier dont les actions correspondent à leurs aspirations.
Nous leur permettons de découvrir l’envers du décor, assister à des répétitions, rencontrer des artistes…
Votre brochure de saison fait état du soutien de la Mairie de Toulouse, du Conseil départemental de la Haute-Garonne ainsi que de la Région Occitanie. Qu’entendez-vous par soutien ?
Ce sont des subventions venant de partenaires publics. Les ressources de notre association reposent sur un trépied : la billetterie, qui est la partie la plus importante, c’est celle qui nous donne notre légitimité à poursuivre notre action, ensuite et par ordre d’importance, les subventions en provenance des collectivités publiques qui nous permettent une politique tarifaire adaptée et de développer des actions solidaires, et enfin, le mécénat privé.
Quelle est la part du mécénat dans votre compte de résultat ?
Elle est de 20%. Ce qui n’est pas anodin. C’est pour cela que nous avons réfléchi, dès 2010, à créer un poste au sein de notre association dédié au Développement et au Mécénat. Nathalie Coffignal en est responsable. La diversification des ressources est pour nous fondamentale si nous voulons conserver un certain niveau d’exigence artistique.
Est-ce un pourcentage en évolution ?
Même si nous avons des partenaires globalement fidèles, ce pourcentage est en constante variation, à la hausse comme à la baisse en fonction du contexte économique. Ceci étant nous ne sommes liés à aucun secteur d’activité particulier.
Quelle est votre politique de recrutement de nouveaux mécènes ?
Le schéma idéal est celui du parrainage, de la cooptation. Dans tel ou tel secteur d’activité, il est indispensable de trouver un prescripteur. La mise en relation est capitale. Ensuite vient le temps de l’expérience, c’est-à-dire faire vivre et partager le moment du concert au futur partenaire. Le premier contact est souvent décisif.
Au sein de ce Cercle, le turn over est-il important ?
Important, non, mais il existe. Donc il nous appartient d’avoir cette activité de « radar » qui nous permet d’amortir les défaillances de certains secteurs économiques. C’est une veille quotidienne.
La plupart de vos mécènes sont-ils déjà dans d’autres structures de mécénat culturel ?
Cela peut arriver mais je pense que ce que nous proposons est très singulier. En tout état de cause, ce n’est pas incompatible bien sûr. Et nous ne cherchons aucune exclusivité. Ceci étant le secteur culturel est devenu extrêmement concurrentiel…
Pour quelles raisons ces mécènes vous ont-ils rejoints ?
Ce sont toujours des coups de cœur, des émotions partagées. La rencontre avec les artistes permet à nos partenaires et à leurs invités de vivre des moments uniques.
On évoque souvent un supplément d’âme, on est dans le domaine émotionnel, qui est indéfinissable. Il appartient à chacun en toute intimité. Chaque entreprise exprime des souhaits différents dont nous tenons compte avant de leur proposer de mécéner tel concert ou telle action. Certains nous suivent tout le long de la saison, d’autres de manière plus ponctuelle, plus ciblée. La diversification de notre programmation nous permet de répondre à toutes les demandes. Sur chaque concert, nous imaginons des actions spécifiques en fonction des artistes invités. Ce peut être une rencontre avec les spectateurs, une action de médiation devant tel ou tel public, une conférence avant le concert par un musicologue, des rencontres avec des enfants hospitalisés, etc. En effet, depuis 2012, nous organisons des concerts à l’hôpital. Il nous a rapidement paru incontournable d’apporter des moments d’évasion et d’émotion dans ce lieu. Nous avons inscrit un vrai cycle de « Pauses musicales ».

Concert à l’hôpital avec Salomé Jordania
Nos partenariats avec les associations locales de quartier sont un axe majeur de développement. Nous faisons du sur-mesure avec elles. Pour chaque action de sensibilisation ou de médiation proposée à un public spécifique, nous donnons l’excellence en partage. Ensuite, il faut trouver le mécène qui adhèrera au projet et qui le financera. Si les entreprises ont des obligations dans le cadre de la RSE (ndlr : Responsabilité Sociétale des Entreprises), il faut néanmoins qu’elles soient aussi convaincues par ces opérations. Nos artistes étant là souvent pour 48h maximum, il s’agit de bien étudier en amont la faisabilité de nos actions solidaires.
Nous venons de reprendre une action qui nous tient particulièrement à cœur, grâce au soutien d’un mécène : la mise en lumière des métiers du spectacle vivant.
Nous avons aussi initié l’an dernier des concerts en milieu rural qui ont rencontré un vif succès. Ce projet est amené à se développer.

Concert en milieu rural avec Guilhem Fabre
Il nous arrive aussi régulièrement d’organiser des concerts privés pour certains de nos partenaires à Toulouse ou ailleurs.

Les Grands Interprètes – Concert à Lyon
A l’heure où le budget des Collectivités risque de peser lourdement sur les subventions aux associations, culturelles en particulier, comment abordez-vous ce moment alors que vous devez programmer des années à l’avance ?
C’est la problématique partagée aujourd’hui par tous les acteurs culturels. Il n’y a pas qu’un seul remède à ce problème. Il faut impérativement trouver de nouvelles ressources mais peut-être aussi revoir les programmations. Il faut aussi convaincre nos politiques de la nécessité indispensable de la Culture. Mais il faut bien voir la situation en face. Il est hors de question d’augmenter le prix public des places, ou de supprimer des places à 20€ pour tous les concerts, pas plus que diminuer le niveau artistique.
Et côté artiste, est-ce que ces impératifs trouvent un écho ?
Les artistes vont plus volontiers qu’auparavant devant des publics éloignés, hors des salles de concert. Ils sont très conscients de la crise qui est devant nous en terme de politique culturelle publique et de crise économique.
La quarantième saison qui s’annonce sera-t-elle particulière ?
Bien sûr car pour nous c’est une belle histoire qui fête ses quarante ans. Ce sera une grande fête pour le public, avec des artistes exceptionnels, des fidèles de notre saison mais aussi de nouveaux venus.
Quel message souhaitez-vous délivrer à de futurs mécènes ?
En nous rejoignant, vous nous donnez l’élan et le souffle pour donner vie à de nouvelles actions.
Propos recueillis par Robert Pénavayre
Mécénat / Cercle des Grands Interprètes
Nathalie Coffignal
ncoffignal@grandsinterpretes.com
Tel. : 05 61 21 09 61 • Linkedin