Car avec Jacques Offenbach, on peut rire en musique ! Et en ces lieux dévolus à l’art lyrique, on y donne l’opéra mais aussi l’opéra-bouffe. Il y respire encore, moins qu’avant, c’est sûr, mais quand une coproduction pareille s’affiche, le public répond présent, et c’est la fête doublée d’un triomphe.
Que voulez-vous, c’est la conjonction des trois pôles : musique, chant et théâtre qui trouve sa pleine résolution au Théâtre du Capitole pour sept représentations qui affichent COMPLET. La réussite est totale. Et aux rappels au bout de trois heures de spectacle, c’est la victoire. Et pourquoi donc ? Figurez-vous qu’il y a un metteur en scène ! Olivier Py et sa bande. Et ça ordonne, illustre, émeut, surprend en totale complicité avec le directeur artistique du Théâtre, j’ai nommé Christophe Ghristi.
D’abord, la musique. On savait que la fosse serait au rendez-vous. Les musiciens de l’Orchestre du Capitole de Toulouse ont été comme à l’habitude : sans peur et sans reproche. Du pain béni pour la cheffe Chloé Dufresne. Elle les dirigeait pour la première fois, avec toute la vaillance nécessaire, et la retenue car les dialogues et le chant exigent de la clarté pour tous les chanteurs. Sans parler de l’articulation musicale car avec Olivier Py, ça trace. Chanteurs qui ont été et l’ont prouvé fort bien accompagnés tout au long des douze tableaux qui défilent sans soucis. C’est vraiment : fouette cocher. Les techniciens, bien en vue sur le plateau participent finalement au spectacle et voilà bien une heureuse trouvaille.
Olivier Py, on le sait, respire cette musique et les textes de ce type d’œuvre qu’il fait sien. Ce qui ne l’empêche pas de réussir comme il l’a prouvé ici même dans un Dialogue des Carmélites, entre autres, ou encore une Gioconda “défrisante“. Cette idée, ici, du « théâtre dans le théâtre » fonctionne plus que bien, loin des transpositions hasardeuses, et qui, bien sûr, non rien à voir avec l’esprit “offenbach“. Ce soir, on est en 1874 au Théâtre de la Gaieté.
Le cocktail Antiquité et Second Empire fonctionne à “donf“ et prouve que l’on n’a pas besoin, pour traduire parodie et satire, et jouer dans la dérision, ni d’EHPAD, ni de champ de ruines, ni d’un bouge pour la grotte de Pluton, ni de casquette de SS pour un Jupiter / Napoléon III. Ni coke à la louche, ni Kalachnikov. Les quelques réécritures et rajouts et impertinences passent comme lettre à la poste. Et sans une once de vulgarité. On ne fait pas danser le cancan à des figures carrément stéatopyges, que diable ! Ç’eut été une offense à la mémoire du compositeur. Moutons, abeilles, Cerbère, cerf, on en redemande !
Trop de points à détailler sur ce spectacle de presque trois heures entracte compris, mais on relèvera le travail au niveau de superbes costumes, des décors, des maquillages de tous les intervenants, du jeu de scène de tous. Ça bouge, ça court, ça danse sur un plateau sans cesse occupé. La distribution est enthousiasmante. On est surpris par la diction que l’on peut qualifier dans l’ensemble d’exemplaire. Exemple avec John Styx, Rodolphe Briand, qui n’a pas besoin d’être transformé en Adolf pour être compris de bout en bout, chant et dialogues et jeu sans excès. L’Opinion publique se remarque et par le chant de mezzo profond et par le costume et par sa dégaine finale, aussi à l’aise en tenus “classieuse“ qu’en guêpière ; nous reverrons Adriana Bignani Lesca au Capitole, à n’en pas douter.
En passant, signalons la performance du Chœur de l’Opéra du Capitole, de la Maîtrise du Capitole et des tout jeunes violonistes. Coup de chapeau au chorégraphe Ivo Bauchiero et à tous les danseurs car, ne cachons pas que le fameux Galop infernal à l’acte IV se signale par le cancan très attendu, mondialement connu, plus d’autres moments de danse superbement réglés. Cancan qui, mis en scène durant l’ouverture, a droit à deux flashes au magnésium qui vous émoustillent.
Marc Scoffoni est un Jupiter / Napoleon III parfait, amusant san tomber dans l’outrance et réalisant un sacré numéro dans la scène du bourdonnement dans les airs, en mouche. Ce fut un grand moment de théâtre ! On n’oublie pas que l’empereur avait en son temps privatisé la 228ème, la der, version 1858 bien sûr, et fait tout transporter au Théâtre des Italiens, plus confortable et grand, pour ses invités ! Et beaucoup ri !!
Marie Perbost est une Eurydice qu’on n’imagine pas autrement, et physiquement, et vocalement et douée d’un jeu scénique parfait, avec des aigus rayonnants, couplé à un Mathias Vidal irrésistible aussi bien en Aristée et ses moutons ou ses abeilles qu’en Pluton accompagné d’un très sympathique Cerbère.
Cyrille Dubois est un Orphée désopilant sans exagération de la première apparition à la dernière, tant pas le timbre de voix que par l’entrain physique, excellent acteur de bout en bout.
Dieux et déesses de l’Olympe forment un groupe parfaitement homogène avec la Diane d’Anaïs Constans au timbre éclatant, une Vénus au costume torride, à savoir Marie-Laure Garnier de retour de galipette sans oublier la mezzo Lucile Verbizier en Minerve. Un Cupidon occupant toute la scène que lui offre Olivier Py par la soprano très chantante aussi de Julie Goussot. Quant à Céline Laborie, les qualités louables que l’on retrouve ici en Junon sont les mêmes qu’en Papagena ou dans la Cenerentola en Clorinda. Aisance vocale et dans le jeu scénique confondante.
Et hop ! et hop ! et hop ! Bravo à Enguerrand de Hys dans Mercure. Un seul air, d’accord de deux minutes, mais il faut le mener au bout, sans entrave, et en haut d’une passerelle : pari réussi. Et le dieu Mars, en l’occurrence Kamil Ben Hsaïn Lachiri sait dévoiler ses dessous affriolants sans soucis, et chanter, et ronfler.
Ça s’appelle une production. Elle fait honneur à l’empereur des opérettes : Jacques Offenbach, et au Théâtre du Capitole.
> Orphée aux enfers, le rire en musique d’Offenbach
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> Adriana Bignagni Lesca