La Fiancée du poète de Yolande Moreau
Le troisième opus de Yolande Moreau est certainement le plus abouti. La réalisatrice nous parle de Mireille, « une femme fantasque et vieille amoureuse », qu’elle interprète d’ailleurs.
Celle-ci vient d’hériter d’un château qui tombe un peu en ruine. Employée à la cantine communale, elle décide d’ouvrir sa demeure, pour des besoins financiers bien compréhensibles, à des hôtes de passage, pour une plus ou moins longue durée. C’est ainsi que débarquent Cyril (Thomas Guy, époustouflant d’ingénuité et de candeur en jeune étudiant aux Beaux-Arts et faussaire virtuose), Bernard (Grégory Gadebois en impensable et touchant jardinier, travesti à ses heures), Elvis (Estéban, comme à son habitude unique et impayable, ici en faux chanteur de country mais véritable réfugié turc sans papiers). Mireille va en faire ses enfants, ceux qu’elle n’a pas eu avec l’amour de sa vie, un poète catalan qu’elle dit mort. En fait, ce n’est pas tout à fait vrai (encore une fois !). Et pour cause, voilà que celui-ci fait son apparition (Sergi Lopez, toujours aussi juste, sans emphase, faux poète mais véritable plombier). Et l’on ne sait plus au bout d’un moment si ce château délabré est une illustration du Radeau de la Méduse ou bien une Arche de Noé pour âmes perdues refusant leur vérité en lui opposant des mensonges. Une façon comme une autre de se protéger…
Ajoutez à ce casting, qui vaut bien des étoilés plus people, Anne Benoit, William Sheller, François Morel, Philippe Duquesne et vous tenez l’une des pépites les plus précieuses, et par trop sécrètes, de cette rentrée cinématographique. Quant à la Mireille de Yolande Moreau, poésie faite femme, mater dolorosa des exclus de notre société, elle est tout simplement aveuglante d’empathie, de douceur, de bienveillance et de lumière dans un numéro qui la situe incontestablement parmi les rarissimes comédiennes « hors du temps » de l’univers du 7e art.
Laissez-vous tenter, ce n’est que du bonheur et vous ne le regretterez pas !