Chaque mercredi, on rend hommage à un grand classique du cinéma. A voir ou à revoir.
L’Exorciste de William Friedkin
A Georgetown, dans la banlieue de Washington, l’actrice en vue Chris MacNeil tourne son nouveau film. Elle vit dans une grande maison en compagnie de sa jeune fille Regan alors que son mari, avec lequel les liens sont distendus, est en déplacement en Europe. Non loin de là, Damien Karras, prêtre et psychiatre, qui croit avoir perdu la foi, s’occupe de sa vieille mère malade. Dans la maison des MacNeil, d’étranges bruits se font entendre dans le grenier avant que Regan ne ressente quelques troubles. Des examens médicaux diagnostiquent un simple « désordre nerveux », mais la situation de l’adolescente s’aggrave dangereusement au gré de convulsions, de dédoublement de personnalité, d’apparition de stigmates sur son visage et d’automutilations. Après une soirée au cours de laquelle le cinéaste dirigeant le film que tourne Chris MacNeil s’est défenestré depuis la chambre de Regan, la voix rauque par laquelle s’exprime désormais la jeune fille déclare être le diable. La mère décide de faire appel à un exorciste.
Naissance d’un genre
Lorsqu’il se lance dans le tournage de L’Exorciste, d’après le roman de William Peter Blatty, scénariste du film, William Friedkin est le réalisateur célébré de French Connection (cinq Oscars dont ceux du meilleur film et du meilleur réalisateur) et son nouveau film rencontrera lui aussi un énorme succès public faisant de lui, jusqu’au fiasco commercial du Convoi de la peur en 1977, l’un des maîtres du Nouvel Hollywood. Lors de sa sortie en 1973, L’Exorciste ne paraît pas cependant promis aux sommets du box-office. Max von Sydow, l’acteur de prédilection d’Ingmar Bergman, ou Ellen Burnstyn, découverte dans La Dernière Séance de Peter Bogdanovich, participent à un casting surtout occupé par des inconnus (la jeune Linda Blair, Jason Miller). Un déroutant prologue se déroule en Irak sur un site de fouilles archéologiques et il faut attendre près d’une heure avant que les premiers phénomènes paranormaux se manifestent.
La réussite de L’Exorciste repose sur le dosage entre la description d’un quotidien le plus ordinaire et l’irruption d’accès de violence ou de scènes choquantes : jets de sang et de vomi vert, obscénités proférées par la jeune possédée dont la tête tourne à un moment à 180 degrés, lévitation… Autant de séquences devenues cultes comme l’un des thèmes musicaux du film (Tubular Bells de Mike Oldfield) et l’impressionnant exorcisme. Pour autant, le plus angoissant dans le film de Friedkin réside dans des motifs banals comme la silhouette d’une maison (réminiscence du Motel Bates de Psychose) ou des escaliers. Le cinéaste déclarait avoir voulu filmer tel « un paysagiste ». Mission accomplie avec L’Exorciste qui, à l’instar de Rosemary’s Baby de Polanski, donnera naissance à un genre – le film d’horreur « diabolique » – dont les productions n’égaleront pas leurs modèles.
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