CRITIQUE, concert. ROQUE D’ANTHERON, le 18 août 2022. Récital Christian ZACHARIAS, piano et direction. Orchestre National d’Auvergne. MOZART. HAYDN.
Christian ZACHARIAS l’Homme Musique !
Enfin nous l’avons eu l’orchestre digne de la délicatesse de Mozart et de Haydn. Après beaucoup de difficultés avec le Sinfonia Varsovia dirigé par Aziz Shokhakimov (concerts des 5, 8 et surtout 11 août) cela a fait l’effet d’un véritable réconfort pour une bonne partie du public. Dès les toutes premières mesures de la délicieuse symphonie n°43 de HAYDN la grâce a inondé le parc du Château. La nuit n’avait pas le caractère apaisant des autres soirs mais un coté magique plus inquiétant avec un orage tout proche. Christian Zacharias n’est pas un simple chef d’orchestre, c’est un fabricant de Musique. Sa gestuelle est des plus personnelles, il n’y a pas de battue métronomique, il n’utilise pas de baguettes, mais au contraire des gestes gracieux construisant dans l’espace la musique à naître que le son des instrumentistes concrétise concomitamment. Cette magie est fascinante et apporte une sérénité inouïe. L’Orchestre National d’Auvergne se révèle être d’une précision horlogère, d’une pureté de sonorité rarissime et d’une souplesse admirable. Haydn est un artisan de l’orchestre des plus soigneux et sait profiter de chaque instrument. Deux hautbois, deux cors et un basson en plus des cordes pour ce soir. Christian Zacharias sait mettre en lumière chaque niveau d’écriture, chaque phrasé, chaque nuance avec un art de chaque instant. Tout est magnifique, avance et raconte quelque chose de la beauté du monde. Le final de cette symphonie, qui lui a donné son nom (Mercure), fuse et explose de joie. Un monde de joie et de beauté nous a été offert par ces artistes magnifiques.
Le temps d’installer le piano et voici Christian Zacharias dos au public pour diriger l’orchestre et jouer. Ce concerto « Jeune homme » de MOZART est une merveille en tout point. L’interprétation de ce soir est à marquer d’une pierre blanche tant la perfection est partout. Orchestre de vif argent, de douceur et de pureté toujours impeccable en tout et le piano si inventif et juste de Christian Zacharias. Il met tout son art du toucher en forme et toute son inventivité dans de nombreuses cadences et abellimenti comme un chanteur d’opéra.
C’est absolument divin. Un moment le danger de l’orage s’est matérialisé et a interrompu pour un court instant la fête du final du concerto. En étant de dos, ne voyant pas exactement ce qui se passait (des trombes d’eau sur le public) et entendant un bruit grandissant Christian Zacharias avec sa sensibilité en effervescence a dû s’arrêter n’arrivant plus à se concentrer sur son piano, le jeu de l’orchestre et la conduite à bon port de ses cadences. Après un court instant, sur les conseils en coulisse de Richard Martin, il a repris et tout s’est terminé dans une allégresse totale. Nous étions mouillés mais pas trempés car protégés par les capes distribuées en début de concert. Ah que ce festival est bien organisé, comme les bénévoles savent être attentifs et prévenants !
Chacun rassuré sur le passage de l’orage, le concert a pu reprendre avec la symphonie des adieux qui commence sur une énergie si noble et digne. Un Orchestre qui sonne n’a pas besoin du nombre car l’allure obtenue par Christian Zacharias est magnifique de carrure et de noblesse. Les plans s’articulent avec naturel, les nuance sont somptueuses, les attaques hyper précises, et les chants éperdus. Cet orchestre est absolument magnifique. Que ne l’avons eu plus tôt ! Son travail avec Christian Zacharias ne date que d’une année mais on devine un partage de musique au sommet. En discutant avec des instrumentistes après le concert ils sont unanimes Zacharias est un musicien d’exception et tout à fait enthousiasmant. Quand on sait que d’abord il a eu une carrière de pianiste si riche avec des enregistrements de références dans Schubert en particulier (ses sonates !) et que sa carrière de chef est déjà si riche il est bien plus qu’un pianiste et un chef. A 72 ans il a une vivacité, un allant, une souplesse de tout jeune homme. Longue vie à cet artiste entièrement fait de musique qui sait si bien la partager. Nous le retrouverons en soliste musicien à Toulouse à Piano Jacobins et justement dans Schubert…
Le concert se termine dans l’allégresse avec deux bis. D’abord Zacharias au piano dans un délicieux Rondo en ré majeur de Mozart, frais et irradiant. Puis avec l’orchestre un extrait de la Petite Musique de Nuit de Mozart. Une élégance totale, une précision enthousiasmante et une jubilation souveraine. Un véritable enchantement avec une œuvre archi connue qui sous les doigts de ses musiciens de grand talent et ainsi dirigée revit plus belle que jamais.
Ce concert restera exceptionnel a plus d’un titre pour la beauté de l’orchestre, la richesse de l’interaction chef, pianiste, l’orchestre si sublime et cet orage spectaculaire et si peu grave, protégé que nous étions par les prévenances des bénévoles de l’association. La vie est belle à La Roque d’Anthéron !
Hubert Stoecklin
CRITIQUE, concert. ROQUE D’ANTHERON, le 18 août 2022. Auditorium du Parc du Château de Florans. Concert. Joseph HAYDN (1732-1809) : Symphonie n°43 en mi bémol majeur « Mercure », Symphonie n°45 en fa dièse mineur « Les adieux » ; Wolfgang Amadeus MOZART (1756-1791) : Concerto pour piano n°9 en mi bémol majeur K.271 « Jeunehomme » ; Orchestre national d’Auvergne ; Christian Zacharias, piano et direction. Photos Valentine Chauvin.
Critique rédigée pour Classiquenews.com