Chaque mercredi, on rend hommage à un grand classique du cinéma. A voir ou à revoir.
Aguirre, la colère de Dieu de Werner Herzog
Werner Herzog / Klaus Kinski : quel tandem. Cinq films en commun – Aguirre, Nosferatu, fantôme de la nuit, Woyzeck, Fitzcarraldo et Cobra Verde – naîtront de leur tumultueuse collaboration. Klaus Kinski était dingue, mais Werner Herzog savait se défendre face aux accès de fureur et aux chantages de son compatriote allemand. Durant les tournages, les deux hommes se menaçaient régulièrement de mort. Herzog tira même un documentaire au titre éloquent, Ennemis intimes, de leurs relations. Leur premier film ensemble, Aguirre, la colère de Dieu, met en scène une expédition mandatée par le royaume d’Espagne depuis le Pérou à la recherche de l’Eldorado censé se situer en Amazonie. Sous la conduite de Gonzalo Pizzaro, des centaines d’hommes – dont des esclaves indiens – se mettent en route depuis les cols des Andes. Face aux difficultés rencontrées par le convoi empêtré dans la boue, Pizzaro envoie des escouades en éclaireurs sur des radeaux. Cette avant-garde est commandée par Pedro de Ursúa secondé par Lope de Aguirre. L’épouse du premier et la jeune fille du second font partie de l’équipée, mais rapidement Aguirre va fomenter une mutinerie et décider de créer un empire après la découverte de la cité de l’or.
Kinski, halluciné et hallucinant
Dès les premières scènes, Aguirre, la colère de Dieu impose sa singularité. Des vues aériennes nous montrent le cheminement incroyable d’une colonne de conquistadors dans des montagnes escarpées. Une musique synthétique hypnotique accompagne une voix off crépusculaire. La nature se transforme en créature sauvage aussi bien par ses forêts hostiles que par les courants emportant les radeaux. On aperçoit des Indiens cannibales. Les Espagnols sont harcelés par les attaques d’ennemis invisibles. Le piège se referme sur ce convoi promis à la mort. Herzog mêle l’épique à une dimension parfois quasi documentaire. Sa caméra est d’une fluidité incroyable. Voilà du cinéma comme l’on n’en fait plus. Les années soixante-dix – du Convoi de la peur de William Friedkin à Apocalypse Now de Francis Ford Coppola en passant par Délivrance de John Boorman – avaient le secret de ces films faisant corps avec les éléments.
Puis, il y a Klaus Kinski, halluciné et hallucinant dans le rôle d’Aguirre, soldat perdu gagné par la soif de pouvoir, la mégalomanie et la folie. L’acteur (1926-1991) tient ici son premier très grand rôle. Auparavant, il collectionnait apparitions ou rôles dans des séries B, notamment dans les westerns spaghetti (on le voit parmi tant d’autres films dans Et pour quelques dollars de plus de Sergio Leone et dans Le Grand Silence de Sergio Corbucci). Avec Aguirre, son charisme, sa blondeur et ses yeux bleus, sa démesure dont on pressent qu’elle n’est pas totalement feinte explosent à l’écran. Cela ne s’oublie pas.
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