Avec la disparition de Christa Ludwig à l’âge de 93 ans ce 24 avril 2021, c’est tout un pan glorieux d’une époque qui ne le fut pas moins qui trouve son terme. Cette Berlinoise de naissance qui vient de s’éteindre dans les faubourgs de Vienne doit demeurer pour toutes les générations, et l’actuelle plus particulièrement, un modèle.
Ce modèle fut façonné par le passage dans les troupes : Francfort, Darmstadt, Hanovre et enfin Vienne à la demande de Karl Böhm en 1955. Elle a 27 ans ! Ses apparitions dans la capitale autrichienne la font connaître du monde entier. Une star est née. Salzbourg la veut à tout prix pour Cosi fan tutte. C’est un triomphe. Richard Strauss et Richard Wagner vont rapidement faire partie de son univers. Avec le succès que l’on sait. Personne hélas n’arrivera à décider la cantatrice à franchir le pas vers une Isolde dont il ne nous demeure que l’émouvant Liebestod. Ses incursions dans l’opéra français et italien furent plus rares sans pour autant faire injure.
Ecoutez seulement le somptueux duo Mira, o Norma qu’elle chante avec un art bel cantiste consommé aux côtés de… Maria Callas. Tout de même !
Si tout cela aurait pu remplir déjà mille vies et autant de carrières, le talent de Christa Ludwig va sublimer son art en lui confiant les plus grands chefs d’œuvre de l’oratorio classique et baroque et, surtout, du lied. Attention car nous touchons ici à ce qui va devenir immortel. Schubert, Schumann, Brahms, Bach, Mahler entre autres trouvent avec cette interprète, toujours accompagnée des plus grands pianistes et chefs d’orchestre de son temps, l’incarnation parfaite autant vocale que dramatique de leur génie. Pour les jeunes mélomanes qui n’auront pas eu la chance de la croiser sur scène, fort heureusement le disque a toujours été présent dans le parcours artistique de Christa Ludwig.
Aussi je ne saurais trop recommander aux véritables amateurs de ce que l’art lyrique a produit de plus authentique à ce jour, deux récitals parus chez EMI Classics, aujourd’hui Warner*, deux récitals publiés il y a quelques années, qui résument bien l’art de cette artiste magnifique, magique, irremplaçable et dont on cherche en vain aujourd’hui un quelconque épigone.
Robert Pénavayre
une chronique de ClassicToulouse