Compte rendu concert. Toulouse. Halle-aux-Grains, le 19 mars 2021. Sergeï Prokofiev (1891-1953) : Symphonie N° 1 « Classique » en ré majeur Op.25 ; Concerto pour violon N°2 en sol mineur Op.63 ; Benjamin Atthair (né en 1989) : 117 : 2C (création mondiale) ; Piot Illich Tchaïkovski (1840-1893) : Romeo et Juliette ouverture fantaisie ; Aylen Pritchin, violon ; Orchestre National du Capitole de Toulouse ; Direction, Maxim Emelyanytchev.
Franco Russes 2021 quelle élégance !
Maxim Emelyanytchev est un musicien fantastique qui est très aimé à Toulouse et cela se comprend. Ce soir il a dirigé un concert jubilatoire et d’une élégance rare pour célébrer les musicales Franco-Russes 2021. Le virus ignoble nous avait privé de l’édition 2020 de ces Musicales Franco-Russes, si chères à Tugan Sokhiev. Il n’était pas question de renoncer cette année et les concerts donnés en Live sur les réseaux sociaux permettent cet ersatz salutaire. Salutaire pour l’orchestre qui ne perd pas en qualité bien au contraire et salutaire pour le public afin de ne pas mourir d’ennui. Merci aux organisateurs si déterminés, efficaces et résistants à la morosité !
Ce concert sera également diffusé sur France Musique le 12 avril prochain. Les commentaires sur YouTube prouvent combien il a été suivi mondialement : Une très belle audience.
L’allure primesautière du jeune chef russe est celle d’un Elfe et il se lance dans la petite symphonie classique de Prokofiev avec panache. Quel humour, quelle joie dans cette musique. Maxim Emelyanytchev en ciselait les moindres notes tout en organisant une lecture absolument parfaite techniquement. Rythmée, dansante, chantante cette symphonie, sorte de pastiche-hommage à Mozart et Haydn, est un régal de chaque instant avec des interprètes si engagés. La précision est ce soir mariée au sentiment du bonheur.
Le concerto pour violon N°2 de Prokofiev est plus complexe allant jusqu’au sombre. Le chef russe ajoute de la profondeur à certains moments et sait ouvrir une forme de douleur et de mélancolie. Ainsi le mouvement lent est une plainte lancinante. Le violoniste Aylen Pritchin, russe également, est mondialement acclamé. Il joue avec engagement dans une sonorité riche et profonde. L’aisance est totale et il semble complètement dominer la partition si exigeante. Voici une interprétation magistrale car l’Orchestre du Capitole est totalement sur la même cime que les deux artistes russes.
Le concert est généreux et la création du Jeune Benjamin Attahir, commande de l’orchestre, porte un titre en chiffre, c’est bien abscons (117 : 2C). Construit en deux moments qui semblent et s’affronter et se compléter, il permet aux cordes de donner libre court à leurs possibilités. D’abord cette précision et cette rapidité d’adaptation propre au violon avec des rythmes détachés d’une complexité redoutable. Les musiciens de l’orchestre du Capitole n’en font qu’une bouchée, concentrés et motivés. Puis se déroule une sorte de combat entre ces rythmes implacables, des pizzicati et des phrases lyriques. Mais l’issue du combat est incertaine et le calme semble abrupt évoquant plus un chaos qu’un retour au calme. L’œuvre est stimulante et ne manque pas de séduction. L’interprétation est ébouriffante.
Pour finir le concert c’est le plus émouvant des compositeurs russes qui nous est offert. Dans une œuvre assez courte mais si pleine du drame de Roméo et Juliette : son ouverture fantaisie. Les couleurs chaudes du choral des bois et cors qui débute l’ouverture est caractéristique de cette qualité émotionnelle de la musique de Tchaïkovski. Les thèmes se suivent dans le plus bel effet dramatique. Maxim Emelyanytchev ne cherche pas à éviter les effets de pathos et le drame prend tout son aise. Le très grand chant d’amour éperdu est irrésistible. Cette mélodie si belle est inoubliable ainsi développée et phrasée. Quel magnifique final permettant à la plus belle émotion de se développer. Véritable festival de rythmes de couleurs et de nuances. Tout est mis au service de ce drame d’amour mythique. L’orchestre est merveilleux à chaque instant. Comme les vibrants applaudissements du public ont manqués ! J’imagine facilement une standing ovation après une interprétation aussi brillante. Quand retrouveras-tu ton public magnifique orchestre, à présent tu es aussi russe que français ! Le prochain concert tout Chostakovitch avec maitre Sokhiev sera un sacré choc !
Orchestre National du Capitole