COMPTE-RENDU, concert. TOULOUSE, Halle-aux-Grains, le 11 Mars 2019.
C. DEBUSSY. F. POULENC. S. RACHMANINOV . Sol Gabetta. B.Chamayou.
Gabetta et Chamayou l’accord parfait !
Le duo musical Sol Gabetta et Bertrand Chamayou peut effectivement prétendre à un accord parfait et ces deux jeunes musiciens se connaissent bien depuis longtemps, plus de 15 ans d’amitiés et des concerts en duo depuis dix bonnes années. Leur retour à Toulouse, en terres conquises, dans le cadre des Musicales Franco-Russes est un vrai bonheur. La grâce diffuse autours de Sol Gabetta et le pianiste plus sage semble gagné par le feu secret ou extraverti de sa collègue. La sonate de Debussy pour violoncelle et piano est d’une grande subtilité et permet des éclairages divers selon les interprètes. Ainsi la version de Sol Gabetta et Hélène Grimaud est bien connue, car enregistrée par DG. Ce soir la violoncelliste, en artiste sensible, propose tout autre chose avec la complicité de Bertrand Chamayou.
Dès sa première intervention elle entraine le pianiste dans un jeu moins extraverti et plus complexe. Les nuances sont subtiles, au bord de l’audible, et le rythme s’assouplit au point d’évoquer le jazz par instants. Sol Gabetta entraine l’auditeur dans une sorte de danse, comme au bord du gouffre, alors que le piano sert de repère et parfois abruptement avec des notes comme stoppées. La sonate de Poulenc, plus ludique et parfois canaille, permet de beaux moments de complicité entre les deux musiciens. Le lyrisme semble détendre le tempo qui peut se resserrer avec énergie dans les moments plus rythmés. Il semble que cette écoute mutuelle permette un réglage délicat des nuances, et le naturel qui se dégage du jeux des deux musiciens est confondant. Sans vraiment beaucoup se regarder ils vivent la même musicalité comme par enchantement. Après ces deux bijoux, qui avec beaucoup d’originalité présentent un style français du XX ième siècle très moderne et audacieux, la deuxième partie russe sera plus sage et plus romantique. En effet la sonate de Rachmaninov, plus ample, permet l’expression du dernier romantisme avec des moments d’angoisse et même de mélancolie très évocateurs de l’âme russe intemporelle.
Nos deux amis offrent avec beaucoup de délicatesse cette âme russe tourmentée qui cherche à oublier sa souffrance dans la douceur du lyrisme du violoncelle comme une voix maternelle consolatrice. Sol Gabetta avec beaucoup de pudeur chante à perdre l’âme mais toujours entre noblesse et élégance. Bertrand Chamayou ravive son piano symphonique dans les moments solistes mais cherche toujours à s’équilibrer avec les sonorités délicates de sa partenaire. Voici un vrai duo qui développe et amplifie les qualités de chacun. Sol Gabetta semble ce soir capable d’audaces interprétatives très délicates, alimentés par un feu constamment renouvelé, et Bertrand Chamayou ose d’avantage aller vers un jeu chargé d’émotions, lui dont le piano maitrisé est si spectaculaire gagne considérablement en émotions. Le succès public est considérable. Ainsi leurs deux bis accordés sont marqués d’abord par la mélancolie douloureuse de Tchaikovsky dans une berceuse, puis un duo plus surprenant extrait de la deuxième sonate de Chostakovitch qui libère les deux musiciens, elle avec une frénésie et une inventivité coquine, lui avec une sorte de déhanché très libre dans son jeu. Le public a été absolument charmé par les deux musiciens ne faisant qu’une seule âme musicale. Dans ce programme intelligent les âmes de France et de Russie ont été mises parfaitement en vedettes et avec un égal bonheur dans ce beau concert des Musicales Franco-Russes.
Compte rendu concert. Toulouse. Halle-aux-Grains, le 11 mars 2019. Claude Debussy (1862-1918) : Sonate n°1 pour violoncelle et piano en ré mineur ; Francis Poulenc (1899-1963) : Sonate pour violoncelle et piano ; Serge Rachmaninov (1873-1943) : Sonate pour violoncelle et piano en sol majeur , op.19: Sol Gabetta, violoncelle, Bertrand Chamayou, piano.