Ce sera EN DIRECT depuis l’Opéra Bastille le jeudi 21 février 2019 à 19h30 et diffusé au CGR Blagnac. Ce sont toutes les forces vives de la maison Opéra de Paris qui seront sur le front avec, les Étoiles, les Premiers danseurs et danseuses et tout le Corps de Ballet, et pour ce ballet, il en faut du monde, ainsi que, dans la fosse, des musiciens de l’Orchestre de l’Opéra national de Paris. À la direction musicale, Valery Ovsyanikov. Les “fadas“ de la danse classique qui n’ont pu assister en son temps à ce spectacle parisien se devront d’assister à cette séance de rattrapage. Pour parachever la production de ce ballet en quatre actes, on remarque aux décors, costumes et lumières un trio que nous connaissons bien ici au Théâtre du Capitole, puisque ce sont les noms de Ezio Frigerio, Franca Squarciapino et Vinicio Cheli. On ne compte plus les productions auxquelles ils ont participées, ici à Toulouse, avec tout leur talent et leur pointe d’originalité toujours bienvenue. Ce sera un décor sobre dans lequel le tutu est roi : il prolonge le corps de la danseuse pour le sublimer, le transformer en figure surnaturelle. Va-t-on s’en plaindre ? Sûrement que non !
La chorégraphie est de Rudolf Noureev inspiré de celle de Marius Petipa et de son assistant Lev Ivanov. Il voit en Siegfried le pilier du drame : un être à part à la cour de sa mère la reine, une sorte de prince Hamlet vivant sous l’emprise trouble d’un sombre tuteur, refusant toutes les prétendantes mais s’autorisant enfin à aimer quand une femme changée en cygne lui apparaît au bord du lac…Sachons que ce Marius Petipa est né à Marseille le 11 mars 1822, arrive à Saint-Pétersbourg en 1847 où il fait ses débuts dans Paquita, un ballet de son père. Le choréauteur règnera, avec des hauts et des bas, près de 55 ans sur les ballets du Théâtre de Saint-Pétersbourg, devenant une des figures légendaires des Ballets Russes. Avec les autres français comme Didelot, Perrot, ils s’imposèrent alors à la Cour de Russie.
Est-il utile de préciser que c’est un ballet écrit sur une musique de Piotr Ilyitch Tchaïkovski ? Voyons un peu d’histoire sur la naissance de ce chef-d’œuvre de la danse classique, définitivement au répertoire du ballet classique aussi longtemps que cette forme d’art perdurera. Il fait partie de la fameuse trilogie : Le Lac des Cygnes, suivi de La Belle au bois dormant et le dernier, un an avant sa mort, Casse-Noisette, trilogie composée par celui qui proclamait à qui voulait l’entendre : « Je suis russe, russe, russe jusqu’à la moelle des os. »
Nous sommes en 1875, début 1876, une période très agitée pour notre compositeur. Il a trente-cinq ans. C’est donc la création, en quelques mois, du ballet monumental Le Lac des Cygnes, du Concerto pour piano et orchestre n°1, de la Symphonie n°2, des Variations sur un thème rococo pour violoncelle et orchestre, d’une fantaisie symphonique intitulée Francesca da Rimini, du Quatuor à cordes n°3, de quelques mélodies.
Sans oublier que s’annonce le voyage à Bayreuth, avec l’inauguration du “temple wagnérien“ qu’il est impossible de rater. Et pour bientôt, la rencontre avec le comte Léon Tolstoï. Si l’on rajoute la réception d’une lettre signée d’une certaine Madame von Meck, sa future mécène, qu’il ne rencontrera…jamais, physiquement. Pour compliquer la période, c’est encore le moment où son frère vit une passion qu’il réprouve, évidemment, n’en étant pas capable lui-même. Annonçant que, de toutes les façons, lui va se marier et que c’est la seule solution. Une période donc, riche en émotions diverses mais, finalement, l’œuvre de Piotr-Ilyitch Tchaïkovski aurait-elle existé sans son goût prononcé pour le malheur, ses amours et répugnances, son attrait certain pour l’argent facile, mais aussi sa générosité, et une homosexualité plus que mal vécue ?
Et pourtant, l’homme, qui semble un prédestiné de la douleur et des souffrances multiples, compose.
Tchaïkovski passe l’été 1874 chez sa sœur Alexandra Vadivova, dans sa propriété de Kamenka, en Ukraine. Pour ses neveux, auxquels il est très attaché, il écrit un petit ballet familial qu’il intitule Le Lac des Cygnes. Tout le monde y prit part, y compris son frère Modeste, qui incarna le Prince, et la famille gardera longtemps le souvenir heureux de ce divertissement. Le sujet continua d’avoir un attrait particulier pour le compositeur, et il semble même que l’idée d’un ballet aux plus grandes dimensions ait été débattue chez Vladimir Beguitchev, directeur d’un des Théâtres Impériaux de Moscou. Mais, si Tchaïkovski aime les contes de fées, il n’est pas le seul. La plupart des russes cultivés les connaissent bien aussi. Ainsi, l’affaire sera conclue. Fin mai 1875, le compositeur reçoit bien commande d’un ballet, un grand ballet à composer à partir du Lac des Cygnes.
Il accepte, explique-t-il à Rimski-Korsakov, « en partie parce qu’il me faut cet argent, mais aussi, parce que je souhaite depuis longtemps, m’essayer à ce genre de musique. » Fin août, il annonce à son collègue et élève encore, Taneïev : « J’ai esquissé deux actes du Lac. » Certains numéros de l’acte I seront même en répétition dès le mois d’avril suivant en 1876 et la partition orchestrale achevée le 10 avril. C’est une affaire menée tambour battant.
Quant à la provenance du sujet lui-même, peut-être un conte populaire allemand du XVIII è intitulé L’Etang des Cygnes ? Le mythe du cygne et la métamorphose du cygne en femme sont de toutes les manières des archétypes courants, figurant aussi dans des contes russes. La partition terminée, le musicien ajoutera tout de même des numéros pour faire plaisir à telle ou telle danseuse. La pratique est courante, et tout le monde y trouve son compte.
Il faut attendre 1895, le musicien est mort le 25 octobre 1893 à Saint-Pétersbourg, pour que le ballet rencontre son plein succès. Ce sera au Théâtre Mariinski avec le tandem Marius Petipa / Lev Ivanov. C’est Petipa qui a eu l’idée d’opposer le cygne noir (Odile) au cygne blanc (Odette).
À considérer l’équilibre entre l’action et la musique, le ballet présente une évolution dramatique fréquemment diluée par des scènes purement chorégraphiques, souvent hautes en couleurs, mais sans rapport direct avec cette même action. Toutefois, celle-ci est elle-même illustrée avec une remarquable logique musicale, et surtout une implication personnelle constante. Tchaïkovski participe aux espoirs et aux douleurs de ses personnages. Un trait d’écriture qui est une sorte de signature de sa part.
Si l’on y joint la générosité sonore de la partition, on comprend mieux que l’œuvre soit un ballet dont la musique puisse s’écouter sans le spectacle, existant déjà par elle-même. Et il est donc évident qu’avec une chorégraphie inspirée et des danseurs exceptionnels, le spectacle soit total. Et ce ballet, un des plus appréciés et courus du répertoire classique.
Remarque : quand le ballet est donné uniquement sur le plan orchestral, il n’y a pas de Suite officialisée, chacun pouvant bâtir la sienne propre.
Ce premier ballet de son compositeur est le seul à délivrer un message, celui de la rédemption par l’amour. La fin peut être celle des deux amants qui périssent ensemble. C’est le choix qui est fait ici. Vous échappez au Prince qui arrache sa couronne-talisman vouant ainsi Odette à la mort. Il périt alors avec elle. Enfin, autre fin possible, le Prince voyant Odette périr, se poignarde.
D’autres mises en scène ont décidé de traduire une sorte de happy end pour l’ouvrage, parti-pris hors de propos, bien sûr.
Cinéma CGR Blagnac
Opéra National de Paris • Ballet de l’Opéra
Jeudi 21 février 2019 à 19h30
photos : E. Bauer / OnP