Quand il ne regarde pas un film super huit où lui sourit une jeune femme aux cheveux longs bouclés, vêtue d’un chemiser blanc à pois, le Pacha de Tom Ryser joue à la poupée, habillant ses femmes de chaussures à talons, chemisier blanc à pois et perruque de cheveux longs bouclés. Mais l’habit ne fait pas le sentiment.
Le tissu fait-il la mer, les jambes qui courent font-elles le bateau, la voile froissée le naufrage ? Les toiles chargées et appuyées les murs du sérail ? Le sésame pour entrer : une main sur la toile pour passer… du rouge au vert. Mais là, rien, sauf des lits roses à dormir debout. Pour se donner une contenance, les hommes portent tous une arme automatique.
Que faire sur un plateau nu : chanter face public ou singer Tony Manero. Ainsi Pedrillo cultive-t-il le déhanchement et la gestuelle disco, totalement hors de propos et sources d’une sévère dissonance cognitive chez le spectateur mozartien. La fièvre du dimanche après-midi, fort contagieuse, gagne l’ensemble du quatuor, le couple sérieux abandonnant sa noblesse au goulot de la dive bouteille. Étrange bacchanale qui affole même les sous-titres. Murmures dans le public…
Peu de Spiel, mais un très beau Sing. Jane Archibald, Konstanze hiératique, fait passer toute l’émotion par son seul chant. Hila Fahima, voix juvénile et virtuose, affronte crânement les impossibles graves de Blonde ; très à l’aise en scène, elle pallie avec beaucoup de naturel le défaut de direction d’acteurs. L’Osmin de Franz-Josef Selig, belle basse profonde, en impose plus par son autorité vocale que par quelques mimiques qui semblent parfois forcées. Beau Belmonte de Mauro Peter. Seul le Pedrillo de Dmitry Ivanchey est en retrait, desservi par une diction peu idiomatique et des pitreries déhanchées vite agaçantes. Les brèves interventions du chœur sont remarquables, dommage cependant que les dames soient fagotées ! Sous la baguette de Tito Ceccherini, chaque voix, chaque instrument se distingue, on pourra juste regretter quelques menus décalages et un léger manque d’éclat de la banda turca.
Dans sa clémence, le Pacha ne résiste pas à un ultime geste vestimentaire : sa veste noire (sans pois) sur les épaules de Konstanze. Puis il casse en deux son arme automatique – c’était donc un faux, un objet de théâtre !
Parmi les ovations, quelques huées pour ce Pacha et son Travolta.
Photos © Patrice Nin
Théâtre du Capitole, 29 janvier 2017
Une chronique de Una Furtiva Lagrima.