Dans les forêts de Sibérie un film de Safy Nebbou
Largement inspiré du récit de la propre expérience de Sylvain Tesson, que ce dernier publie en 2011 sous un titre éponyme, le scénario du sixième long de Safy Nebbou a tout du parcours initiatique. Où il est question d’un cadre supérieur œuvrant dans le monde des médias et qui décide, ex abrupto, de s’éloigner un temps de cet univers anxiogène et chronophage. Pour ce faire, il loue une cabane sur les bords du lac Baïkal, en pleine Sibérie. En hiver. Seul devant cette immense étendue gelée, acculé à la forêt, Teddy, c’est son prénom, va faire l’expérience du silence, de la solitude, « du temps qui se calme » et de la liberté. Une liberté qu’il faut assumer…. Surpris par une tempête de neige, il perd connaissance à quelques mètres des bords du lac. Et se réveille dans son lit… Teddy n’est donc pas tout à fait seul. C’est la seule « trahison », proposée par l’auteur lui-même, à ce récit. En fait, Alekseï, un homme en cavale, vit dans ces lieux désertiques depuis plusieurs années. Muni du brin de russe qu’il possède, Teddy va sympathiser avec ce fuyard. Entre ces deux hommes que tout éloigne, un sentiment amical va naître, comme nécessaire à l’environnement hostile qui les entoure. Un rapport très fort, très authentique et véritable va les unir. Deux personnages pour un film qui est aussi un hymne magnifique à la Nature, aussi belle que dangereuse, ici somptueusement filmée. Deux personnages pour un portrait sociétal en creux de la Russie contemporaine, avec la générosité mais aussi la corruption qui la gangrène.
Evgueni Sidikhine (Alekseï) est un acteur célébrissime dans son pays. Il impose, de part une impressionnante stature et un vrai talent, un personnage en voie de retour à une certaine animalité. Il est difficile d’imaginer un autre acteur que Raphaël Personnaz dans le rôle de Teddy. Son regard, candide et naïf à la fois, est le reflet merveilleux d’un être recouvrant une vie de liberté. Se donnant corps et âme, parfois dans des situations pour le moins extrêmes, ce comédien porte le film sur ses épaules. Nul doute qu’il ne soit revenu de ce tournage à l’identique. Dans tous les cas il nous livre ici une véritable performance. Raphaël Personnaz nourrit le projet, en fait déjà bien avancé, de réaliser un premier long. L’extrême sensibilité d’un tel comédien nous réserve certainement une très belle surprise.
Robert Pénavayre
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Safy Nebbou – Du court au long, un parcours sans faute
Ce Bayonnais vit le jour alors que les étudiants français faisaient leur révolution. Très tôt attiré par le monde du théâtre, Safy va devenir acteur puis metteur en scène. La caméra va lui faire de l’œil et le pousser à la réalisation de nombreux courts-métrages salués de prix prestigieux dans le monde entier. L’inévitable s’est produit en 2003, année qui voit ce réalisateur tourner son premier long. Ce sera Le Cou de la girafe, une comédie dramatique dans laquelle il embarque Sandrine Bonnaire et Claude Rich. Ce premier opus le fait remarquer de la profession. Celle-ci va le saluer unanimement en 2008 pour un second long : L’empreinte de l’Ange, film dans lequel se confrontent Sandrine Bonnaire et Catherine Frot. Le talent du frère de Mehdi Nebbou, remarquable comédien, n’est plus à discuter. Un cinéaste venait de naître. Le film sous rubrique est son sixième.