Comme les années précédentes, c’est en partenariat avec le 35ème Festival Piano Jacobins que la phalange toulousaine fait sa rentrée musicale. Un programme associant Tchaïkovski et Dvořák célèbre la permanence de l’esprit slave à travers deux de ses fils les plus profondément enracinés dans ce terreau inépuisable. Sous la direction de Tugan Sokhiev, expert en la matière, l’orchestre invite le jeune et brillant pianiste ouzbek Behzod Abduraimov. Né en 1990, l’artiste a été révélé au monde du clavier par sa victoire au Concours International de Londres en 2009. Il sera le soliste du célébrissime Concerto n° 1 de Tchaïkovski, alors que la tout aussi fameuse Symphonie n° 9, « Du Nouveau Monde », de Dvorak complètera ce programme très populaire au sens noble du terme.
Le plus joué, le plus adulé des concertos pour piano de Tchaïkovski n’a pas eu une naissance de tout repos. Son dédicataire initial, le grand pianiste Nikolaï Rubinstein, jugea la partition si mauvaise, qu’il déclara qu’elle donnait la nausée ! Tchaïkovski décrit ainsi la réaction de Rubinstein : « « C’était la veille de Noël 1874. Je joue le premier mouvement. Pas un mot, pas une observation. À dire vrai, je ne sollicitais pas un verdict sur la valeur musicale de mon concerto, mais un avis sur sa technique pianistique. Or, le silence de Rubinstein était lourd de signification : “Comment voulez-vous, mon cher, semblait-il vouloir dire, que je fasse attention à des détails, alors que votre musique me répugne dans son ensemble ?” Je m’armai de patience et jouai la partition jusqu’au bout. Un silence. Je me lève. “Eh bien ?” demandai-je. Courtois et calme au début, Rubinstein devint bientôt une sorte de Jupiter tonnant. Mon concerto n’avait aucune valeur, était injouable ; deux ou trois pages, à la rigueur, pouvaient être sauvées ; quant au reste, il fallait le mettre au panier ou le refaire d’un bout à l’autre. “Je n’y changerai pas une note, répliquai-je, et le ferai graver comme il est.” C’est ce que je fis. »
Le compositeur changea alors la dédicace au profit du pianiste et chef d’orchestre Hans von Bülow grâce à qui le concerto acquit rapidement l’immense réputation qui l’accompagne encore aujourd’hui. Ultérieurement, Rubinstein finit par reconnaître la valeur de la partition. Il en devint d’ailleurs l’un de ses meilleurs interprètes et ce concerto fut l’une de ses œuvres préférées, sa pièce maîtresse.
Il s’agit là d’une œuvre que Behzod Abduraimov peut se charger de réinventer par son tempérament volontaire et sa sonorité de bronze. Avec un allié tel que Tugan Sokhiev à ses côtés, un grand moment concertant se prépare.
C’est en 1893, durant son séjour aux Etats-Unis (1892-1895) où il s’était rendu à l’invitation du Conservatoire de New York, qu’Antonin Dvořák composa sa célèbre Symphonie n° 9 « Du Nouveau Monde », une partition tout à la fois marquée par la saisissante découverte de l’Amérique et de ses vastes espaces et par la prégnante nostalgie de l’artiste tchèque pour sa terre natale. Inspirée du poème épique de l’Américain Henry Longfellow, « Le Chant de Hiawatha », cette partition est parcourue de motifs originaux influencés par la culture américaine. Dvořák lui-même a déclaré à leur propos : « J’ai tout simplement écrit des thèmes à moi, leur donnant les particularités de la musique des Noirs et des Peaux-Rouges… ». Nul doute qu’elle trouvera en Tugan Sokhiev et l’Orchestre Nationale du Capitole les interprètes les plus affûtés.
Notons que Behzod Abduraimov donnera également, dans le cadre de Piano Jacobins, un récital consacré à Chopin, Liszt, Debussy et Ravel. Ce sera le 24 septembre dans le légendaire cloître.
Serge Chauzy
Une Chronique de Classic Toulouse
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