Dans son dernier ouvrage, l’écrivain fantasque fait le tour du monde à la rencontre d’éminents scientifiques dans la recherche de l’immortalité. Rencontre avec l’auteur pour parler de cet ouvrage de « science-non-fiction » à mi-chemin entre l’enquête et le roman.
On se rend compte que l’œuvre de Frederic Beigbeder est finalement très diversifiée, preuve en est avec ce nouveau sujet.
Je ne suis guidé que par la curiosité. J’essaie à chaque fois d’écrire un livre différent que je n’ai jamais fait ou que personne n’a jamais écrit, c’est un peu fou comme ambition mais sinon je ne vois pas l’intérêt de tuer des arbres si c’est pour raconter des histoires connues ou répéter ce qu’on a déjà dit. J’essaie de mettre en garde les gens : on vous a rendu addict grâce à vos téléphones et grâce à Facebook et vous trouvez ça génial parce que c’est gratos. En fait c’est une première étape de la déshumanisation en cours et la prochaine sera de faire de vous des vrais robots.
Si l’humanité trouvait le clé de l’immortalité, est-ce que ne serait pas finalement son plus grand drame ?
Ce sera un drame parce que ce sera la fin de l’espèce humaine. Pour obtenir l’immortalité on devra se transformer en autre chose. Si on se laisse faire, dans 15-20 ans l’homo sapiens sera remplacé par autre chose, un homo sapiens 2.0. Méritons-nous d’être corrigé pour vivre un peu plus longtemps ? Et si on fait cela, qu’adviendrait-il des autres chimpanzés qui n’auront pas été augmentés ? (…) Je crois que la réalité c’est que l’être humain s’en fout d’être libre, c’est peut-être ce que j’essaie de dire dans mes livres depuis trente ans. Nous avons fait en sorte de ne plus l’être.
Est-ce qu’être écrivain ce n’est pas déjà être immortel ?
C’est l’aspect un peu fou et ridicule et l’écrivain, il n’y a pas un écrivain qui ne rêve pas d’une postérité. Ce n’est pas tout à fait la réalité : très peu de livres vont vivre longtemps, la rotation en librairie est telle que… ne rêvons pas. Parfois on retrouve chez un libraire d’occasion un vieux roman par lequel on est ému mais beaucoup d’écrivains, dont je fais sans doute parti, seront oubliés. En tout cas écrire est une démarche de lutte contre la mort.
Est-ce que les végans sont l’avenir de l’humanité ?*
Si je dois répondre au second degré je dirai que je serai toujours un carnivore. Si je n’avais pas été écrivain j’aurais été boucher, j’aurais adoré faire vieillir de vieux jambons, c’est pour moi un rêve. Plus sérieusement, la pollution générée par les bovins et la manière dont on les exécute fait que l’on va tous devenir végan, simplement j’ai un peu de mal à manger des brocolis. Mais après vous verrez que certaines personnes voudront protéger les légumes ! Pourquoi on extermine les brocolis et les courgettes ? Personne ne trouve cela révoltant ! Que dit Aymeric Caron là-dessus ? Ça ne le dérange pas qu’on assassine un poireau ? Aymeric, j’admire votre combat, mais savez-vous ce que ressent une carotte quand on l’arrache du sol ? Moi ça me choque.
* Une phrase du roman en question fait écho à cette question dans un dialogue avec son médecin.
Propos recueillis par Brice Christen
Une vie sans fin (360 pages) – Grasset