À Toulouse, la collection de l’Italien Gino Di Maggio est exposée aux Abattoirs.
À l’occasion de son vingtième anniversaire, le musée des Abattoirs présente à Toulouse des œuvres acquises par Gino Di Maggio, collectionneur italien ayant côtoyé et promu des artistes qui ont bouleversé la scène artistique internationale dès les années 1950-1960. Réunissant plus d’une centaine d’œuvres de près de 70 artistes, l’exposition «Viva Gino! Une vie dans l’art» raconte l’histoire de toute une vie et retrace, selon un parcours historique, la constitution d’une collection développée au gré des rencontres. Une collection qui n’avait jamais été visible dans un musée jusqu’à présent. C’est donc un événement qui vient s’inscrire dans l’une des trois grandes orientations artistiques des Abattoirs, à savoir la relecture des avant-gardes de la seconde moitié du XXe siècle, dans la lignée des expositions dédiées Jacqueline de Jong ou Eduardo Chillida.
Imaï, « Sans titre » (1990) © Fabio Mantegna
Figure longtemps discrète du monde de l’art, Gino Di Maggio est ici révélé au public à travers sa collection, dont la constitution fut non préméditée. Sa démarche est en en effet motivée par le soutien à la création et à l’édition, et non par l’accumulation ou la spéculation. «À ceux qui me le demandent, je réponds toujours que je ne suis pas un collectionneur, parce qu’il est probablement difficile ou inapproprié de définir comme une collection ce que j’ai collecté au hasard pendant toutes ces années. Ce avec quoi je me retrouve, est le résultat de rencontres, de situations, de relations humaines qui n’avaient pas pour but premier l’acquisition d’œuvres d’art», prévient-il.
Selon un itinéraire historique, le parcours raconte donc comment cette collection s’est développée, au gré des rencontres. Point de départ déclencheur de cette curiosité pour l’art, le Futurisme ouvre le parcours. Sicilien d’origine et ingénieur de formation, Gino Di Maggio croise à la fin des années cinquante le chemin de ce courant artistique italien apparu en 1909. Il le considère comme la forme la plus radicale et la plus révolutionnaire de la jeune avant-garde, permettant d’explorer les innovations linguistiques par une approche expérimentale. «Le champ de l’art se révèle pour moi comme un champ de jeu infini, de toutes les libertés possibles. J’ai appris à penser librement et, je l’espère, à ne jamais être conformiste, ou comme on dit aujourd’hui, “politiquement correct”», confesse celui qui se laisse guider par les amitiés développées avec les artistes.
L’Italie est bien sûr largement représentée, mais ce sont ses compatriotes méconnus que ce passionné s’attache à promouvoir: au-delà de ses amitiés avec les célèbres Mario Merz, Cy Twombly ou Alighiero Boetti, le visiteur découvre alors une histoire de l’art italien au XXe siècle souvent masquée par le succès de l’Arte Povera. Au fil de ses voyages, il se confronte aux courants artistiques que l’exposition décline avec un souci pédagogique clair et pertinent: Nouveau Réalisme (France), affichistes (Raymond Hains, Jacques Villeglé), précurseurs asiatiques avec Mono-ha (Japon et Corée) et Gutai (Japon), le Cinétisme et le Pop art italien. Et la grande nef des Abattoirs est transformée en grande halle Fluxus (Europe et USA), où résonne le son de multiples pianos détournés commandés par le collectionneur.
Le musée présente ainsi des peintures, des œuvres photographiques, des dessins, des sculptures, des installations, des vidéos, etc. et suit l’évolution constante de cette collection qui donne une place prépondérante à la performance, tout en recherchant l’interdisciplinarité dans l’art ou encore l’expérimentation musicale. Collectionneur, mais aussi dénicheur de talents, Gino di Maggio a côtoyé tout au long de sa vie des artistes comme Arman, John Cage, César, Marcel Duchamp, Erró, Esther Ferrer, Allan Kaprow, Yoko Ono, Nam June Paik, Marinella Pirelli, Lei Saito, Lee Ufan, Ben Vautier, Wolf Vostell, etc. «Avec les artistes, pour certains trajets, j’ai marché à leurs côtés, en scrutant de près le processus créatif. Ce fut un grand privilège», assure-t-il.
Jérôme Gac
pour le mensuel Intramuros
Jusqu’au 15 novembre, du mercredi au dimanche, de 12h00 à 18h00 (jeudi jusqu’à 20h00)
Les Abattoirs