Festival multidisciplinaire du Théâtre Garonne, In Extremis accueille durant un mois à Toulouse des créations atypiques.
Rendez-vous annuel proposé par le Théâtre Garonne, In Extremis invite chaque année des artistes issus de divers horizons, ouvrant une fenêtre sur des formes inattendues et des aventures artistiques inclassables, au carrefour du théâtre, de la musique, de la danse, de la performance, des arts plastiques… Se déployant dans tous les espaces du théâtre, mais aussi hors les murs, ce festival international et multidisciplinaire se veut également un temps d’échange entre les publics et les artistes en résidence au Théâtre Garonne. Par ailleurs, le temps de plusieurs soirées, le hall du théâtre accueille les émissions de Radio Radio à la rencontre des artistes à l’affiche d’In Extremis.

Celestial Sorrow © Laura Van Severen
Cette année, les galeries souterraines du théâtre abritent une exposition de photos et vidéo de Gisèle Vienne et Dennis Cooper: « Through Their Tears » (À travers leurs larmes) est une série photographique qui s’appuie sur des photographies et des poupées réalisées par Gisèle Vienne qui explore les préoccupations communes à ces artistes dans la représentation d’adolescents confus à la recherche de sensations fortes, enclins à l’autodestruction ; « Brando » est un court métrage qu’ils ont coécrit se déroulant dans un chalet isolé et réunissant la danseuse Anja Röttgerkamp, l’adolescent Léon Rubbens et Catherine Robbe-Grillet.
Également au programme de cette édition: le duo excentrique Cabosanroque présente « Démons », installation sonore et visuelle s’appuyant sur les écrits du poète catalan et romantique Jacint Verdaguer qui a mené de multiples expériences mystiques ; le metteur en scène Mohamed El Khatib et le réalisateur Alain Cavalier proposent de leur côté une soirée sous la forme d’une conversation autour de ce qui les réunit dans leur acte de création. On verra les performances de l’Afghane Kubra Khademi et de l’Indienne Mallika Taneja qui empoignent la question brûlante du harcèlement sexiste.
On annonce un spectacle couplant deux mises en scène: Lionel Dray se saisit de l’unique roman de Jean de la Ville De Mirmont, « les Dimanches de Monsieur Dézert », l’histoire d’un fonctionnaire qui vit pleinement ses dimanches, pour livrer une adaptation très libre en forme de seul en scène ; Sylvain Creuzevault entame avec « Construire un feu », d’après Jack London, un cycle intitulé «Les Tourmentes» constitué de formes intimistes et brèves comme des «peintures animées, des natures vives», mettant en scène des individus dans des espaces naturels hostiles.

Constuire un feu • Sylvain Creuzevault
Avec « la Naissance de la tragédie », Maxime Kurvers reviendra aux fondamentaux du théâtre: l’acteur et la parole. Où un acteur s’adresse frontalement au public dans un récit incarnant la mémoire de la tragédie et organisant une histoire de l’art scénique occidental, pensée à partir des « Perses » d’Eschyle – première tragédie connue. Après « Doreen », David Geselson est de retour pour présenter au Théâtre de la Cité « le Silence et la peur », spectacle faisant surgir avec une équipe franco-américaine la voix de Nina Simone et l’épopée de sa traversée du siècle terminée en drame, témoignage d’une vie marquée par de multiples crises identitaires.
La chorégraphe Meg Suart revient avec « Celestial Sorrow » (photo), création hantée par la longue dictature en Indonésie du président Suharto (renversé par les étudiants en 1998), objet insaisissable mêlant danse, installation plastique, chant, musique live, stylisme… Danseur et chorégraphe, Daniel Linehan interprète « Body of Work » qui s’attache à écouter la mémoire fragmentée de son propre corps et retracer comment les blessures, les mouvements, les danses successives dont il fut l’interprète ont persisté au-delà d’une représentation: une rétrospective archéologique qui est aussi une réflexion proustienne sur le passage du temps.
Metteur en scène et plasticien iconoclaste, Théo Mercier a imaginé « Affordable Solution for Better Living » avec le danseur Steven Michel, un corps à corps entre un cyborg musculeux et une bibliothèque Kallax, l’un de ces «objets abordables pour une vie meilleure» montés en vingt minutes et qui colonisent la vie domestique. Les marionnettistes Aïtor Sanz Juanez et Renaud Herbin, la chorégraphe Julie Nioche et la compositrice Sir Alice se sont associés pour créer « At the Still Point of the Turning World », spectacle en suspension entre ciel et terre, entre rêve et monde, une exploration onirique. Citons enfin les concerts de musique de chambre donnés par l’ensemble L’Instant Donné et par un quatuor de musiciens de l’Orchestre national du Capitole de Toulouse, en partenariat avec les Musicales franco-russes.
Jérôme Gac
pour le mensuel Intramuros
Billetterie en Ligne du Théâtre Garonne